C’est désormais quasiment acquis : l’internet français sera cuisiné à la sauce Hadopi. Les internautes pirates n’ont qu’à bien se tenir ! Et pourtant, cette loi sent encore et toujours le sapin, depuis plus de 6 mois, et n’attend que le vote du paquet télécom au parlement européen avec le fameux amendement 138 pour être déclarée non-conforme avec le droit européen. La France aura réussi le tour de force de voter une loi a priori contraire au droit européen, ce qui, au mieux, est assez peu recommandable, au pire, juste crétin… Mais il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut rien entendre…
Dernier épisode en date, à Bruxelles, où Viviane Reding, notre commissaire en charge de la société de l’information et des médias, vient de gentiment avaliser cette loi Hadopi. En soi, rien de grave, chacun est libre de sa pensée. Sauf qu’on parle là de Mme Reding ! Cette même dame à qui l’on doit les baisses de roaming (les frais de téléphone mobile en dehors de son pays d’origine), celle-là même qui a proposé une libéralisation de l’Icann pour que l’UE puisse co-gérer les noms de domaines, celle-là même qui affirmait en octobre 2008 qu’internet était un droit quasi-fondamental et qu’il fallait respecter le point de vue du parlement, sous-entendu l’amendement Bono, en réponse au président Sarkozy qui avait alors enjoint Barroso à le retirer ni vu ni connu. Et voilà ce qu’elle affirmait hier :
« Il y a peut-être des problèmes quant à la conformité de la loi Hadopi avec les lois nationales et c’est à la justice française d’en décider. Cependant, je n’ai aucune indication d’une violation des lois communautaires et je ne vois rien dans l’amendement 138 (du Parlement européen) qui, sur un plan légal, pourrait changer cette situation« ,
Viviane se serait-elle transformée en girouette ? Candidate aux prochaines européennes, tête de liste de son parti, le CSV, Mme Reding, contrairement à un certain soldat Barnier, ne cache pas ses ambitions d’être reconduite à la Commission… Dont acte, son bilan est bon et sa place ne semble guère menacée par une pléthore de prétendants luxembourgeois à sa succession. A moins que Viviane ne s’inquiète de son concurrent socialiste Robert Goebbels qui demande justement des explications sur sa double casquette commissaire / candidate en campagne, en théorie proscrite par la Commission… Ou peut-être espère-t-elle s’assurer ainsi un important soutien de la France dans sa nomination à la Commission ? Si tel est le cas, c’est tout de même triste de devoir faire allégeance à un gouvernement français qui a visiblement encore beaucoup à apprendre en matière de démocratie européenne.
Ce dossier Hadopi est certainement la plus belle preuve de l’utilité et de la puissance du parlement européen, quand sa voix n’est pas muselée par le Conseil des Etats comme le président Sarkozy l’a fait à plusieurs reprises. Viviane était l’une des rares commissaires pro-actives et sans langue de bois, ce qui tranchait dans cette Commission mollassonne. Encore une belle image donnée aux électeurs !
(Crédit photo CC Steamtalks)