En mai dernier était lancée sur le site Oneseat.eu une pétition multilingue pour réclamer la suppression de Strasbourg comme second siège du Parlement Européen. Initiative soutenue par la Commissaire Européenne à la communication, Margot Wallström. Le grief: nos eurodéputés dépensent environ 200 millions d’euros par an pour 4 jours de session à Strasbourg!
Un premier bilan plutôt positif peut être tiré pour les initiateurs. Plus d’un million de citoyens veulent voir Bruxelles comme seul et unique siège parlementaire. Dont acte.
Cette pétition s’appuye en effet sur l’article I-47 du TCE qui oblige la Commission à se pencher sur un problème dès lors qu’un million de signatures sont réunies. Sauf que le TCE est mort et que l’existence du double siège (triple en fait avec Luxembourg) est gravée dans les traités européens. L’issue de la pétition est donc en pause en attendant une hypothétique relance constitutionnelle et en comptant sur l’infime probabilité que la France cède sur ce sujet qui recquiert l’unanimité. La question récurrente mérite tout de même d’être posée: pourquoi 3 sièges, pour quoi faire?
Moi-même, éternel Strasbourgeois, même si je n’y vis plus, je me pose cette question. Mais je n’accepterai pas de voir la capitale historique de l’Europe, là où Churchill a appelé au lendemain de la seconde guerre mondiale (il y a 60 ans + 1 jour) à la création d’une fédération européenne, là où Français et Allemands ont scellé leur réconciliation, de perdre ce symbole.
Strasbourg doit garder un rôle central dans l’UE et ne pas se contenter d’un Conseil de l’Europe dont l’extérieur massif est à l’image de son inutilité. Comment concilier les impératifs historiques et symboliques avec une recherche d’efficacité tout aussi légitime? Bruxelles, capitale fédérale européenne, oui. Mais recycler le bâtiment strasbourgeois en technopôle, comme certains l’avancent, est une consolation indigne.
De deux choses l’une, soit Strasbourg récupère pleinement son statut originel: seule et unique capitale parlementaire. Dans ce cas, il faudrait aussi supprimer les bureaux à Luxembourg et savoir quoi faire du bâtiment bruxellois. Soit le Parlement emménage définitivement à Bruxelles. Mais en contrepartie et dans le cadre d’une Constitution européenne, Strasbourg pourrait devenir l’antichambre de l’Assemblée principale à Bruxelles. Reste à définir les statuts et missions de cette antichambre qui pourrait représenter politiquement les chambres régionales à Strasbourg. Dans le même temps, il serait bon de réduire le rôle du Conseil Européen à un aspect anectodico-folklorique. Ses présidences tournantes ne servant qu’à flatter les égos nationaux, ses décisions à huis clos enrichissant moins l’image de l’Europe que les argumentaires anti-européens.
L’Allemagne, Etat-fédéral, a bien son Bundestag et son Bundesrat. A long terme, qu’est-ce-qui empêcherait de faire de l’UE une démocratie parlementaire bicamérale sur le modèle allemand ou un autre? Ma thèse peut sonner farfelue et nécessite beaucoup de prérequis, mais comme le dit justement Thomas dans ses commentaires, c’est au peuple d’être force de proposition, puisque nos élites ne réfléchissent plus. Je lance l’idée, les commentaires sont ouverts…
Je te conseille, si tu es partisan de la création d’une chambre des Etats, de relire le projet de la « Communauté Politique Européenne » de 1953. http://www.ena.lu?lang=1&doc=3602 sur l’excellent site ENA.LU
Mais malheureusement, je ne crois pas que nous soyons prêts pour ce saut fédéral. Par qui seraient élus ces représentants? Nos gouvernements sont quand même nos représentants démocratiques… Quel serait alors leur rôle?
Par ailleurs, faudrait il supprimer le Comité des Régions cher à Delors? Et le problème de communication entre des institutions dans des lieux différents serait le même. Je crois savoir que le Bundestag et le Bundesrat sont dans la même ville … et c’est logique.
L’idée d’une grande université européenne et d’un centre de technologies ne me paraissent pas mauvaises, même si je n’ai pas signé la petition 🙂
Très sympa le petit schéma (cf. lien). Malheureusement comme tu dis, les fédéralistes n’ont plus la cote dans l’Hexagone. A l’instar du mot « libéralisme », le fédéralisme est un concept qui fait peur à une majorité de Français. Probablement à tort. Les Français auraient une bien meilleure opinion de Bruxelles si leurs dirigeants n’avaient pas tenté de modeler une Europe bureaucratique à la française. 🙁
En partant du concept de 1953, on pourrait donc avoir une « chambre des peuples » correspondant avec l’actuel PE (le pouvoir législatif en plus) ainsi qu’un Sénat. Le premier étant élu au suffrage universel direct, le second indirectement. Je pense que l’un et l’autre devraient représenter à la fois l’Etat et la région (dans l’un ou l’autre ordre). L’Etat pour rappeler que la construction européenne s’est faite par et pour les Etats. Les régions, car l’avenir du citoyen tient plus à sa région qu’à son Etat.
Pourquoi pas justement créer cette nouvelle sous-entité parlementaire sur la base du Conseil des Régions dont le rôle serait ainsi constitutionnalisé? Je ne pense pas que Jacques Delors m’en voudrait 😉
Ensuite, comme tu dis, il y aurait le « problème » de voir les deux institutions à deux endroits différents. Après tout, les opposants de Strasbourg déplorent moins le fait du triple siège que le côut des déplacements permanents et stériles. Avoir deux sièges parlementaires (chacun des deux restant à plein temps à Bruxelles et Strasbourg) générerait-il un surcôut énorme? On va sortir les calculettes…
J’aime bien aussi l’idée du technopôle, mais comme dit, Strasbourg doit garder une institution centrale. Je viens justement de lire que Cohn Bendit proposait le deal suivant: supprimer le PE à Strasbourg, mais en échange obtenir les Conseils des ministres. Economiquement parlant, c’est moyen pour la ville car moins de nuitées d’eurodéputés. Symboliquement, Strasbourg gagnerait largement au change. A court/moyen terme en tout cas. Car le Conseil de l’Europe mériterait réforme, lui aussi. Dans le projet de 1953, son rôle est consultatif… Aujourd’hui, son rôle écrase les prérogatives du Parlement.
Tu dois parler du « Conseil Européen », ce qui est différent du Conseil des Ministre (ou Conseil de l’Union européenne) …
Re-boulette! Je parlais du Conseil Européen en effet.
Pas de soucis. C’est vrai que c’est un pru « tricky »
Le siège du Parlement européen est Strasbourg.
Supprimer son second siège (donc Bruxelles) est une bonne idée.
Ainsi, les sièges des institutions seront clairement identifiés :
Bruxelles pour la Commission,
Strasbourg pour le Parlement.