Depuis une quinzaine d’années, l’Europe a le dos large. Elle serait responsable de tous les maux, de tous nos problèmes quotidiens. Que de mensonges et de gâchis pour celle qui nous a tant apporté depuis 50 ans jour pour jour. La paix d’abord. Qui n’était pas du tout garantie à l’époque. Car la seule amitié franco-allemande aujourd’hui ne saura jamais effacer la barbarie et la connerie de deux guerres mondiales.
Oui, en ce jour, on se rappelera que l’Europe, aussi imparfaite soit-elle, a beaucoup oeuvré pour ses citoyens. L’Europe…
Oui, l’Europe du progrès, on ne la voit pas. Ou on préfère ne pas la voir. Il est tellement plus facile de la poignarder pour ses imperfections, de transformer ses failles en erreurs fatales que de pointer ses défauts, souvent issus de nos égoïsmes nationaux, pour les corriger et progresser ensemble. Comme l’a souligné Angela Merkel: « l’Europe, c’est plus que des directives sur les produits chimiques ». Contrairement à une pensée qui se généralise, l’Europe n’a pas été faite pour déranger notre quotidien mais pour l’améliorer. Aujourd’hui, cette déclaration de Berlin fait plaisir à entendre. Même si ce discours n’a aucun caractère contraignant et qu’un sourire européen ne donne pas nécessairement droit à un acte, il fait plaisir à entendre. Dans cette ville symbole de l’Europe, autrefois déchirée, il fait bon voir nos représentants européens poser devant la porte de Brandebourg qui fut entachée par deux plaies de notre histoire commune: le nazisme et le communisme.
« L’Europe est notre avenir commun », disaient les pères fondateurs. 50 ans après la signature du traité de Rome qui a institué la Communauté Economique Européenne, l’Europe a réussi sa mission première: la paix. Pas sa seconde: achever une union politique. A ce titre, la chancelière allemande a donné rendez-vous en 2009 pour replancher sur un nouveau traité refondateur de l’UE… constitutionnel ou pas. Maintenant, il faut regarder devant. Il ne sert à rien de se pavaner plein de nostalgie devant le portrait de Robert Schuman, comme beaucoup de politiques français peu inspirés se pavanent devant le portrait du général de Gaulle. Il faut penser à demain et agir. C’est ce que propose l’Allemagne par la voix de sa chancelière.
Pour paraphraser la chanson de Raphaël, je me demande quelle sera l’UE de 2157… dans 150 ans. Sera-t-elle enfin le rêve concrétisé de Victor Hugo qui imaginait en 1849 les « Etats-Unis d’Europe » faire face aux Etats-Unis d’Amérique? Et qui seront les pères refondateurs? En 2007, on peut compter les vrais Européens sur les doigts d’une main: Angela Merkel, Guy Verhofstadt (Premier ministre belge) ou encore Jean Claude Juncker (Premier ministre luxembourgeois et Président de l’Eurogroupe). Reviendrait-on à une sorte de noyau dur originel? Si seulement la France possédait au moins un haut dirigeant profondément et honnêtement Européen?! Cela suffira-t-il à redonner un second souffle à l’UE? On aura un début de réponse dans les 24 prochains mois…
Très belle analyse que je partage tout à fait. Espérons qu’un noyau dure puisse se constituer et véritablement relancer, et ce sans attendre 2009, la construction européenne.
En France, un candidat semble se dégager des autres quant à sa position sur l’Europe ; si il est élu, c’est un gros coup de pouce que la France redonnera à l’Europe.
J’imagine que tu fais allusion à Bayrou. Je partage aussi ton point de vue. Car si c’est Mme Royal ou Mr Sarkozy, on aura droit à soit « j’ai pas d’idées sur l’Europe mais je vous écoute » ou encore « il faut plus d’Europe… mais on se débrouille très bien tous seuls en France, circulez y’a rien à voir! »…
Tu oublies Prodi en Italie… Si Bayrou est élu, il ne manquera plus que les Pays-Bas à l’appel. Bayrou représente pour moi une grande espérance non seulement sur le plan national, mais surtout sur le plan européen.
Quel que chose de profondément et très maladroitement surestimé dans l’actuelle vulgate européenne : le discours sur la paix.
Certes, l’Europe a pour finalité d’essayer de conserver la paix entre ses pays membres et d’essayer de la promouvoir en dehors même de ses »frontières » (et il est agréable à l’oreille comme à l’esprit d’entendre parler de cette Europe qui essaie de faire la paix en Afrique – au Darfour comme au Congo RDC – ou de participer financièrement au réglement pacifique du conflit israélo-palestinien ou de participer militairement à la stabilisation politique des Balkans à l’heure même où les Etats-Unis, puissance impériale et militaire, font la guerre en Irak…).
Néanmoins, on ne peut tout de même pas dire que l’Europe – en tant que construction communautaire – soit pour grand chose dans le maintien de la paix sur notre continent depuis 1945 (ou, plus précisément, entre 1947 et 2007…).
(1) D’abord parce que paix, depuis lors, il n’y a pas dans de nombreux endroits de notre continent, dans des pays mêmes de l’Union (en Corse, au Pays basque, en Irlande du nord) : des conflits – de basse intensité, certes, mais qui brutalisent néanmoins les populations civiles – dans lesquels l’implication de l’Europe dans leur réglement pacifique est, à l’heure actuelle, singulièrement timide.
(2) Ensuite, parce que l’état de paix »global » en Europe – entre 1947 et 1990, écorné en Hongrie lors des événements de 1956 et en Pologne lors des événements de 1970-1973 et 1980-1981 (par exemple) – n’était alors absolument pas garantie par la construction européenne mais bel et bien par la guerre froide, par l’équilibre de la terreur, par la peur de la destruction mutuelle, par la stricte discipline des blocs idéologiques et par la présence de forts contingents militaires soviétiques ou américains au coeur du continent. Et par des considérations géopolitiques mondiales et par des enjeux à côté desquels l’existence même du processus de construction européenne – bricole somme toute assez négligeable aux yeux des principaux acteurs du drâme – ne comptait finalement pas pour grand chose.
(3) De même, l’absence de conflit entre pays participants à la construction européenne ne s’explique pas par le fait qu’ils participent à ce processus politique, mais surtout par le fait qu’ils soient souvent membres d’une alliance militaire contraignante (l’OTAN), illustration parfaite de convergences de vues qui – par elles-mêmes et en seuls termes de sécurité – rendent complètement impossibles tous véritables risques de conflits sérieux entre eux (éventuels conflits qui relèvent là d’une hypothèse peu sérieuse, même et surtout entre Grèce et Turquie, par exemple : les événements de 1974 sont là pour le démontrer : grâce aux autorités otaniennes, l’invasion du nord de Chypre par les armées turques n’aura finalement pas débouché sur une guerre entre Grèce et Turquie, deux pays alors ennemis mais alliés…).
(4) De même, il ne faut pas non plus oublier que – dans les années 1990, lors des »guerres de sécession yougoslave », l’Europe communautaire, alors aux »abonnés absents » et singulièrement impuissante, ne fit… quasiment rien. Et qu’il fallut alors attendre l’impulsion politique des Etats-Unis pour essayer de trouver une solution militaire et politique au conflit.
(5) De même, que fait l’Europe communautaire en et pour la Tchétchénie (sur un plan strictement humanitaire) alors que la Russie oppressive et quasi-génocidaire, elle-même, préside le Conseil de l’Europe… (sans parler même de ce que la République de Turquie fait actuellement subir aux populations kurdes de l’Est anatolien).
Alors, l’Europe pour la paix : Oui, dans l’idéal. Et c’est d’autant plus nécessaire au vu des tensions que – notamment – l’actuel changement climatique risque prochainement de faire subir à nos sociétés (pressions sur les ressources énergétiques, pressions sur les écosystèmes, risque de migrations massives, risques de conflits dans les régions du monde les plus mises à l’épreuve, etc). Mais, pour ce faire, il faudra alors que l’UE se dote de moyens militaires, d’infrastructures, d’institutions et de lignes politiques claires dont l’Union européenne est, on peut et on doit le dire – actuellement singulièrement dépourvue…
Donc il me semble qu’il serait vraiment beaucoup plus sain d’essayer de construire concrètement cette Europe pour la paix qui est effectivement vraiment nécessaire pour notre avenir que de se gargariser d’un discours profondément anti-historique et d’un passé déjà mythologique qui n’a – en fait – absolument jamais existé.
Ronan a raison sur la paix. L’Europe a joué un rôle somme tout mineur dans cette période de paix sur le vieux continent. Le seul mérite dans ce domaine que l’on peut lui reconnaître, c’est de nous avoir appris à travailler ensemble. Au vu du passé, ce n’est déjà pas mal car malgré sa langueur, elle reste notre meilleur (ou au moins le moins mauvais) avenir.
Mais la perception que vous évoquez « Contrairement à une pensée qui se généralise, l’Europe n’a pas été faite pour déranger notre quotidien mais pour l’améliorer » n’est pas arrivée par hasard. L’Europe a pris ces dernières années de plus en plus de pouvoirs et de responsabilités mais ne s’est pas démocratisée. Ses processus de décisions sont restés essentiellement intergouvernementaux avec juste une petit pincée de Parlement européen.
La combinaison entre l’accroissement de ses responsabilités et sa démocratie canada dry a conduit à des décisions que de nombreux citoyens rejettent. Je pourrais citer le traité de Nice, l’agenda de Lisbonne dont on peut discuter l’idéologie sous-jacente, les élargissement successifs qui ont changé la nature même de l’Union européenne (qui peut sérieusement croire à une union politique à 27 ?), la fameuse directive sur les services qui a été péniblement révisée uniquement après avoir provoqué une explosion de fureur qui a grandement aidé au rejet de la constitution en France, la libéralisation de tout domaine où l’UE se met à réglementer (déréglementer devrais-je plutôt dire)… Toutes ces décisions ne sont pas nécessairement mauvaises mais elles ont été faites sans s’assurer de l’avis des citoyens et souvent dans leur dos. De plus, elles vont toutes dans le sens d’une idéologie (l’ultra-libéralisme) qui favorise les riches au détriment des moins riches.
Quand toutes les décisions en provenance des institutions européennes se traduisent par moins de protection, plus de libertés aux entreprises, plus de mise en concurrence des salariés (qui constituent l’essentiel de la population), il est logique que l’Europe soit perçue comme une menace dans les apys bénéficiant d’un haut niveau de vie et d’une protection sociale digne de ce nom. Il ne suffira pas de beaux discours comme celui de Berlin pour changer ce sentiment. Il faudra des actes avec des résultats et on est très loin de seulement les envisager au niveau européen. Dans les chantiers urgents des dirigeants ne figure pas la démocratisation de l’UE. Au contraire, on cherche par tous les moyens à éviter le recours aux référendums.
Lorsque je lis la déclaration de Berlin, je vois un catalogue de mots qui ne fâchent personne, un voeu sur une nouvelle constitution qui a peu de chance de se réaliser dans le délai imparti et aucun effort de rapprochement vers les citoyens. Ca m’étonnerait que cela suffise à redonner un second soufle à l’Union Européenne. Dommage.
Ségoléne fait de nombreuses propositions pour l’Europe, je vous invite à visiter le site http://segoleneroyalallemagne.unblog.fr/ pour vous en rendre compte. Bayrou est certes un européen convaincu (même si l’on regrette ne pas l’avoir assez vu lors de la campagne pour le référendum) il est aussi très drôle est ce que pour autant ca en fait le candidait idéal pour la France? je ne pense pas. pour etre plus sérieux il nous faut quelqu’un de rassembleur et pas seulement dans un jeu politique de ni droite ni gauche bien connu, quelqu’un avec une image forte, qui incarne le changement tant dans la méthode que dans la forme, et qui porte un projet solide pour la france, l’Europe et le monde, et ca ne peut etre que Ségolène Royal.
Amitiés aux francais de l’étranger