Manque de temps, manque d’envie, je me rends compte que ce blog prend la poussière depuis quelques semaines. Et pourtant, sans en avoir l’air, il vient de passer le cap des 4 ans, une étape symbolique en ces temps durs où l’on évoque une malédiction de deux ans, au terme desquels un blog européen serait condamné à mourir… Brrrr, cela fait froid dans le dos !
Quand euroblogosphère rime avec cimetière…
Sur ces 4 ans, je retiendrai pas mal de beaux moments: en particulier l’émergence des blogs collaboratifs européens, du Taurillon, des Euros du village, Cafébabel & co, tous francophones à leurs débuts, devenus multilingues au fil des ans. Malheureusement, je retiendrai aussi un certain nombre de morts numériques.
Côté francophone, qui oserait, par exemple, oublier feu l’excellent Eurojunkie (aujourd’hui complètement atomisé) ? Pour le reste, il n’y a qu’à cliquer sur les « euro-blogrolls » pour voir l’étendue du massacre. Rien que dans celle, a priori parfaite, de St-Jean Quatremer, on dénombre pas moins de 3 morts, et non des moindres : « Relatio, l’Europe en revue », « l’Europe dans la campagne » ou encore Europeus, qui se définissait pourtant jadis comme le « premier média européen interactif ». Et la liste ne s’arrête pas là…
Sous la pression de Twitter, le phénomène s’est accéléré ces derniers mois. Enivrés par la facilité et la rapidité d’utilisation de l’outil de micro-blogging, certains se sont sentis pousser des ailes en dépassant les 140 caractères… avant de mourir écrasés sur le champ « eurobloguéen » : Kattebel, LB2S et probablement une poignée d’autres, partis pour un aller simple vers l’au-delà numérique… Ouvrir un blog est une chose, le tenir sur le long terme en est une autre. Une malédiction peut-être ?
Et je ne parle même pas des blogs zombies, cliniquement morts, entretenus par des nègres et alimentés au compte-goutte par d’insignifiantes « coupures de presse 2.0 » pour rester branché. Allez voir le « blog de VGE », vous m’en direz des nouvelles !
Pauvreté linguistique… et intellectuelle ?
Heureusement, ces disparitions ont été compensées dans le même temps par l’arrivée massive de nouveaux blogueurs, facilitée par des outils / plateformes de blogging simples et efficaces. Une bonne nouvelle au premier abord: « plus on est de fous, plus on rit ! ». Pourtant, dans une Europe où seulement 13% des citoyens sont des anglo-saxons natifs (cf. Wikipédia… en anglais), je m’étonne de voir autant de blogueurs délaisser leur langue natale au profit de l’anglais. Un état de fait renforcé par les « experts » de la communication et du blogging. Je citerai l’étude récente le top 16 des « high profile bloggers » dressé par la très « sérieuse » agence de communication Waggener Edstrom, un classement 100% anglo-saxon ! Un comble, surtout au regard de l’implication du Royaume-Uni dans l’UE. Même l’insoupçonnable Bloggingportal (ndlr: auquel je contribue très modestement) semble tomber dans le piège avec son « Top 5 Euroblogs (Readers’ Choice) » dans lequel figurent 4 blogs en anglais et 1 en allemand (Ouf, on sauve un peu d’Europe !)
Bien sûr, chacun a ses raisons. Les exemples ne manquent pas: Julien Frisch qui bloguait en allemand anglais, Comestic Uprise qui blogue en finnois anglais, Lino the Rhino qui blogue en néerlandais anglais, etc. Certains trouveront cet argument absurde car les blogs sus-mentionnés sont de bonne facture. C’est vrai, mais tandis que l’euroblogosphère anglophone grossit, avalant toutes les autres langues sur son passage, quel contenu offrira-t-on bientôt aux 87% d’Européens qui ont le tort de ne pas avoir l’anglais comme langue maternelle ou aux 49% qui ne le comprennent tout simplement pas, a fortiori sur un sujet qui ne les passionne pas ? Cette attitude ne conduit-elle pas à un apauvrissement du débat européen au final ? On supposera que, de toute façon, ces blogueurs préfèrent certainement s’adresser au public euro-geek/bruxellois plutôt qu’au citoyen lambda européen…
Renaissance ?
Et puis voilà qu’intervient la semaine passée l’appel de Samuel, suivi de nombreuses réactions en chaîne autour d’un nouveau projet de blog européen collaboratif censé rassembler toutes les bonnes volontés (= blogueurs morts-vivants et velléitaires) qui veulent en découdre avec l’ignorance et le désintérêt du grand public pour les sujets européens. Un beau geste. Car il en faut du courage pour ouvrir un blog, encore plus pour un euroblog, encore un peu plus pour un blog collaboratif !
Un énième blog/portail européen d’un « nouveau » genre, nous dit-on. Avec une vision originale ? Du genre pro-européenne tendance fédéraliste ? Du genre qu’on lit déjà sur le Taurillon, dans Cafébabel ou Blogactiv en somme ? Ou bien une vision « nouvelle » détestant la confrontation avec les opposants anti-européens et/ou avec le citoyen lambda qui a mieux à faire que de lire un euroblog garanti 100% jargon technique et autres « private jokes »…
Bien sûr, il se peut que le projet prenne forme, le temps du « tout nouveau, tout beau ». Mais pour combien de temps avant que les velléitaires ne renoncent définitivement et que les meneurs du projet ne jettent l’éponge, épuisés à force de vouloir faire avancer un projet zombie ?
Conclusion
Naissances, mariages, décès : les blogs suivent le même cycle de la vie. En plus de 5 ans d’euroblogosphère, un tour complet a déjà été parcouru. C’est le moment de faire un premier bilan : L’euroblogosphère des débuts a assez vécu. Il est temps de faire le deuil de l’eurobéatitude et de repenser les fondamentaux : pourquoi avons-nous décidé un jour de bloguer sur l’Europe ?
Ma réponse est simple, au risque de déplaire à certains, notre mission devrait consister à s’adresser, en version originale dans un maximum de langues européennes, aux citoyens « lambda » via et en dehors de nos blogs. Ami blogueur, t’es tu jamais demandé si tes sujets étaient compréhensibles et intéressants pour tes parents ouvriers ou ton voisin d’en face ? A en lire certains, je me pose la question.
L’euroblogosphère a déjà tout ce qu’il faut en matière d’outils. Ce qui lui manque cruellement, c’est le sens des réalités les plus basiques qui parlent à Mr tout le monde. Saura-t-elle se renouveler et se construire à long terme sans s’éparpiller inutilement davantage encore ?
12 réflexions sur « L'euroblogosphère est morte, vive l'euroblogosphère! »