C’est bien connu: en France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées… malheureusement souvent foireuses! Dernière en date, le projet de loi Hadopi alias « Internet et Création », alias riposte graduée. Mais quel est donc ce machin?
Il s’agit de remettre dans le droit chemin les vilains internautes qui téléchargent sur le web, car télécharger, c’est mal! Concrètement, si un internaute est flashé pour excès de téléchargement, il recevra un gentil mail lui demandant d’arrêter. Au 2ème avertissement, une lettre avec accusé de réception. Au 3ème, il verra sa ligne ADSL coupée entre 3 mois et 1 an, avec interdiction de se réabonner ailleurs durant cette période.
Jusque là, il existait ce qu’on appelle un « tribunal » qui pouvait sévir contre des pirates en vertu des lois qui protègent la propriété intellectuelle. Rien de plus normal. Ici, c’est l’Hadopi, c’est à dire la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet qui fait la loi! Problème: il s’agit d’une autorité administrative indépendante faite par et pour les ayant-droits, studios de cinéma, majors, etc… qui ont décidé de faire la peau au téléchargement et au web qui pille leurs ventes de disques depuis bientôt 10 ans. Ou quand la victime est aussi le bourreau…
Une mesure plus qu’absurde…
- techniquement, puisque personne ne sait garantir à 100% que la déconnexion d’une ligne ADSL ne déconnecterait pas la ligne téléphonique tout court. Et comment être sûr que le téléchargement est illégal?
- juridiquement: comment une autorité administrative se substituerait-elle au système juridique existant?
- socialement et culturellement: tout le monde ou presque télécharge, il faudra donc déconnecter tout le monde et ensuite? Par ailleurs, il existe des moyens de passer pour invisible sur le web, ce qui condamne les internautes les moins aguerris…
- économiquement, car couper les connexions prive de facto de nombreux sites web de visites et indirectement de revenus, ce qui est embêtant pour une économie en pleine croissance…
Une mesure purement répressive qui ne se pose toujours pas la question du pourquoi télécharger.
Heureusement, la France ne vit plus seule au monde et ses voisins européens ont les mêmes problématiques. Les euro-sceptiques pourront remercier l’existence de notre cher Parlement Européen qui discutait hier du paquet Telecom et qui, pour la seconde fois, a refusé la proposition française d’adopter cette loi au niveau européen. Une belle victoire pour le PE qui prouve là son utilité. Oui, j’aime mieux voir notre Parlement défendre ainsi nos droits de consommateurs internautes que de juger du nombre de poils obligatoires sur ma brosse à dents électrique.
Maintenant, la question en suspens: la France va-t-elle retenter le forcing comme elle le fait depuis des mois à l’intérieur de ses frontières, pourtant déjà freinée par le Conseil d’Etat, l’Arcep (l’autorité de régulation des Télécom) et diverses associations? Je le crois, tant le gouvernement français apparaît autiste sur cette question. J’imagine bien un rapide passage en force en France avant un rappel à l’ordre de Bruxelles et une annulation totale. Rions en cœur!
Sinon, il existe toujours une solution qu’on appelle licence globale…
Étant auteur et traducteur juridique, une partie de mes revenus annuels provient de mon travail. Je ne supporterai pas de piraterie. Mes droits sont surveillés et défendus le cas échéant par la SGDL, Société des Gens De Lettres. Pour ma part je n’ai jamais piraté une œuvre ou un logiciel et je m’en abstiens. C’est normal de punir les contrefacteurs et les pirates. Je ne me prononce pas sur l’étendue de la peine et sur son mode d’application.
Je crois que tu as un autre site culturel et je sais que tu es très vigilant quant aux contrefaçons de ton site ou l’as-tu totalement mis dans le domaine public au point que tout ton travail peut être « transposé » dans son fond, dans sa forme, dans son layout et son emballage, et dans sa banque de données sur un autre site d’un pirate?
Je n’ai pas le temps de faire mes recherches au sujet du statut juridique de l’Hadopi mais n’a-t-elle pas des attributions comparables à la SGDL ou à la SACEM?
La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) est une Société de gestion des droits d’auteur. C’est une entreprise privée reconnue et contrôlée par l’État français et chargée d’une mission de service public. Créée en 1851, elle a pour objectif la gestion collective de la collecte et de la répartition des droits d’auteurs des œuvres musicales de son catalogue qui sont perçus lors d’une diffusion en public ou lors de leur reproduction sur différents supports. Son rôle se limite aux œuvres de ses adhérents et ne s’étend donc pas à la musique libre.
Thomas, on est d’accord sur le fond, toute copie d’œuvre protégée sans accord s’apparente à de la contrefaçon et mérite d’être sanctionnée. Concernant mon autre site, il est ouvert à la condition explicite que la source soit citée et implicite que les reprises ne soient pas systématiques, car il ne sert à rien de dupliquer un site en changeant la forme.
Rassure toi, dans le cas présent, on ne parle pas des écrits, mais des médias, en particulier musique et films qui subissent de plein fouet le piratage de masse. Je ne remets pas en question la relation de cause à conséquence piratage-punition. Ce que je dénonce, c’est l’autisme des ayant-droits. Pourquoi y-a-t-il autant de piratage aujourd’hui? Pourquoi ces ayant-droits ne se réveillent-ils que maintenant alors que le phénomène existe depuis 10 ans? A une époque pas si révolue, on copiait les disques sur des K7, ce qui faisait bondir ces mêmes ayant-droits… qui n’ont absolument rien fait depuis pour les acheteurs de disques. J’achète encore mes disques, mais je comprends que certaines personnes ne fassent plus que pirater. Car certaines majors se moquent littéralement du mélomane et du cinéphile! Quand je vois certains CD/DVD avec un contenu réduit au minimum syndical, aucune valeur ajoutée, mais vendus à prix d’or, oui, je comprends le piratage! Et ce n’est pas la récente offre de téléchargement légale à peine moins chère pour encore moins de valeur ajoutée qui me motive davantage.
In fine, Hadopi n’est pas synonyme de justice, elle s’y rajoute comme une double peine. Hadopi est une autorité administrative (composée par les majors). Contrairement à la SACEM qui, même privée, a une vocation de service public. N’es tu pas choqué que la victime soit juge et partie? Drôle de démocratie tout de même!
Mais en quoi télécharger est mal? Je pense que les auteurs devraient juste conclure des contrats de partage des gains avec les sites pour percevoir leur part de gains et non interdire les téléchargements faits par les internautes.