La Belgique est morte, vive la Belgique!

La libre - La Belgique est morteLes Flamands et les Wallons ne se disputeront plus autour du débat stérile de l’indépendance. C’est désormais officiel: la Flandre vient de quitter la Belgique pour devenir un Etat autonome!

Tel a été le message, pour le moins déroutant, diffusé sur la RTBF hier soir! Après un début de journal normal, le programme laisse subitement place à la mire. Un flash spécial prend le relais pour annoncer la nouvelle. Il aura duré une heure et demie pendant laquelle les journalistes présents aux quatre coins du pays, les invités politiques et autres artistes se sont relayés pour commenter le choc. On annonce même le roi Albert II en fuite à l’étranger. Conséquence de cet événement: trains bloqués, ring bloqué à Bruxelles, frontières linguistiques inspectées par la police… jusqu’aux scènes de joie de militants catalans devant le Parlement européen.

Sauf que le message était un faux et que tout était bidonné! Pendant plus d’une heure, le pays a cru à cette énorme supercherie finement menée.

Un peu comme si France 2 interrompait son 20 heures pour annoncer que Strasbourg devenait la capitale de la France après une décision unilatérale du Premier ministre de Villepin prononçant les mots suivants: « j’entends les voix françaises, j’entends aussi les voix européennes. (…) Le gouvernement français a décidé de faire de Strasbourg la capitale de la France à l’horizon 2010. (…) Le gouvernement emménagera dans un premier temps dans le bâtiment du Parlement Européen… ».

Au delà du second degré et de la géniale mise en scène dont a fait preuve la télévision belge, cette « blague » géante ne fait que souligner le ridicule de la situation politique en Belgique, où quelques flamands radicaux (malheureusement de plus en plus puissants), refusant de soutenir financièrement une Wallonie économiquement en berne, réclament la sécession. Comme si les Bavarois poussaient le vice séparatiste jusqu’au bout, jusqu’à devenir un Etat indépendant. Comme si l’Alsace réclamait un statut d’Etat! A l’heure de l’Europe, il devient évident que le rôle des Etats, en particulier les grands, va en diminuant, n’en déplaise aux derniers républicains et souverainistes nostalgiques des Etats unis et peut-être même coloniaux.

Aujourd’hui, les Européens attendent des solutions locales à leurs problèmes locaux: emploi, sécurité… et des solutions européennes pour des questions plus larges telles que la défense ou l’immigration.

La « blague » sécessioniste était vraiment excellente. Elle doit nous inciter à réfléchir sur le fédéralisme et la définition des Etats européens au XXIème siècle.

16 réflexions sur « La Belgique est morte, vive la Belgique! »

  1. C’est une blague monumentale, dans la grande tradition de l’auto-derision belge. Felicitation a la RTBF. Et puis la RTBF, a reussi a mettre Wallons et Flamands d’accord, ce qui n’est pas un mince exploit.

  2. Oui, blague « belge » à la Orson Wells, mais n’oublions pas que la belgique est aussi le pays où, depuis Ensor, la tradition de l’autodérision est tenace.
    Mais ceci doit faire réfléchir à l’Europe de demain et après-demain, où « unis dans la diversité », chaque culture pourra trouver son épanouissement dans un contexte européen accepté par tous. Voyons ce qui s’est passé depuis la chute du mur : séparation de la Tchéquie et slovaquie, séparations yougoslaves avec recemment l’indépendance du Montenegro ( et quid du Kosovo ?), tensions autonomistes espagnoles et aux confins de l’UE, mais en Europe quand même, la transnistrie, l’Ossetie, le haut Karabah, sans parler de la Tchéchénie…
    Dans ce contexte, quelle place restera aux vieilles nations, notamment celles qui refusent la convention Conseil de l’Europe sur la diversité culturelle (France, UK..) ?

    Cordialement,

    Catherine

  3. Je trouve votre analyse très bonne … Mais j’espère qu’un jour un politicien annoncera que Strasbourg est devenu la capitale de la France (non, sans dec’) 🙂

  4. Et bien voilà, je l’annonce: Strasbourg est devenue la capitale de la France! Avec un peu de buzz sur d’autres blogs, google va peut-être finir par le croire et in fine certaines personnes. 🙂

    A l’heure d’une Europe fédérale concrétisée, quand le Parlement français sera devenu aussi inutile que l’ENA, peut-être Paris pensera-t-elle à cette idée? Je crois qu’on peut encore rêver…

  5. En démocratie, il y a un principe de base, c’est celui de consentement mutuel couronné par le suffrage (ce qui donne légitimité à la réponse apportée à quelque question posée), ce qui fait que la minorité accepte la voix de la majorité et se soumet alors à la décision collective. Bien qu’étant une très jolie ville vraiment charmante (bien qu’un petit peu  »provinciale »), la  »candidature » de Strasbourg pour devenir la  »capitale » de la France me semble de recueillir absolument aucune de ces conditions préalables.

    Et si Strasbourg (et/ou les autres autorités compétentes en la matière) ne prennent pas de décisions drastiques et rapides en seuls termes de plate-forme aéroportuaire, connections ferroviaires et autres capacités hotelières, c’est carrément le titre de  »capitale » de l’Europe qui risque de lui passer définitivement sous le nez. Ce qui serait effectivement fort regrettable, eut égard au seul symbole politique porté.

    Mais être  »capitale » de l’Europe (ou de la France) n’est pas un  »dû » ni un  »droit » et ne doit pas se résumer à la seule expression de quelque symbolique politique (aussi sympathique soit-elle) : c’est surtout une responsabilité. Mais faut-il encore avoir les moyens strictement techniques et matériels de l’honorer.

  6. Cette fiction ne parrait pas si absurde. Un tiers des flamands votent pour un parti d’extrême-droite qui veut cette séparation (sans compter tous ceux qui la veulent sans voter pour l’extrême-droite).

    Merci à la rtbf pour cette émission qui a au moins le mérite de faire parler d’elle et de cette question grâve.

    Pour ma part, je soutiens le rattachement à la France de la Wallonie et la création d’une zone internationale gérée par l’union européenne pour Bruxelles.

    (et aussi la création d’une communauté francophone internationale pour la culture et l’enseignement… mais c’est un autre débat)

  7. J’ai repéré une réaction excellente dans l’émission, revue sur internet: je ne sais plus quel ministre Wallon qui déclare « on ne va pas se laisser abattre, il nous reste l’Europe ».

    Une telle réaction en France? je n’y crois pas…

  8. Je suis assez désespéré de voir que certains de nos voisins belges ne conçoivent plus comme une certaine  »plus-value » le fait d’être belge (modèle de développement identaire  »civique » et de construction supranationale originale) en plus d’être wallon ou flamand. D’autant plus que je doute très franchement des aspirations  »européennes » de nationalistes flamands aux propos souvent  »ethnicistes » (voire racistes) de même que de la part de  »rattachistes » wallons (souvent pris en flagrant délit de  »complimentation » éhontée à l’égard du  »modèle » national-jacobin français…).

    Ne nous y trompons pas : l’éventuelle  »explosion » de la Belgique serait une très mauvaise nouvelle pour tous les Européens véritables. En effet, une telle éventualité viendrait valider les thèses de ceux qui estiment qu’une communauté et un projet politique ne peuvent se construire durablement que sur des concepts identitaires ethno-culturels.

    Ce serait là une consécration politique bien malheureuse de ce qui sépare durablement (mais artificiellement) des êtres humains taraudés, quelque soit leur  »culture » d’origine (et où qu’ils vivent sur notre planète…), par – dans le fond – les mêmes besoins vitaux, les mêmes problèmes matériels et, également, les mêmes angoisses existentielles.

  9. Vous avez l’air de considerer les « rattachistes » comme des extrémistes. C’est faux! Nous n’avons pas du tout les mêmes valeurs. Nous constatons simplement que les francophones belges sont de plus en plus considérés comme une minorité dérengeante aux yeux de certains flamands.

    La Wallonie seule ne peut survivre, elle ne ferait qu’un petit pays sans importance en plus, une frontière inutile. Cette union renforcerait la défense de la culture francophone d’un côté comme de l’autre.

    La Belgique est déjà morte, la seule chose qui est encore nationale est la sécurité sociale. Les flamands réussiront à la régionaliser comme le reste. Nous avons encore une chance de survivre, saisissons-la avant qu’il ne soit trop tard!

  10. Tous les rattachistes ne sont certes pas des extrémistes. Mais il est néanmoins désolant qu’ils ne voient plus d’intérêt à être belges… Si jamais vous deveniez français, vous constaterez de vous même que cela n’est pas si génial que cela (et qu’être belge n’est pas non plus si mal que cela…).

    Nb : De plus, être un  »petit » pays n’est pas non plus une chose si négative que cela : voilà qui vous guéri une bonne fois pour toute de tout péché d’ubris et de tout ces complexes de  »grande puissance » qui démangent tant de  »grandes nations » présumées, (plus sûrement encore dévorées d’orgueil…).

  11. @ben: je te dirais comme Ronan, ne crois pas qu’un rattachement à la France serait une avancée pour la Wallonie. Tout le monde envie la France pour sa gastronomie, sa culture, sa géographie… personne pour son modèle jacobin et sa république technocrate!

    La rivalité Flandre-Wallonie de plus en plus marquée depuis le lendemain de la seconde guerre mondiale me semble avant tout basée sur un basculement du pouvoir économique au profit des premiers, par ailleurs longtemps forcés de prendre le pli francophone. Les riches Flamands désormais décomplexés veulent assumer leur identité néerlandophone. Jusque là, rien à redire. Mais sous couvert d’un nationalisme créé en parallèle sur une prétendue différence (supériorité?) ethnique, une minorité de Flamands refuse d’être solidaires envers une Wallonie agonisante, jouant sur des thèmes peu recommandables qui font malheureusement bonne recette en Europe en ce moment. Là, ça devient malsain.

    Mais si l’on fait abstraction de ces gueguerres linguistiques/pouvoir économique, Flamands et Wallons sont-ils foncièrement différents? Les différences d’approche latine/germanique au sein de la Belgique ne sont, à mon avis, pas plus « choquantes » que les différences d’approche à l’intérieur d’un pays grand comme la France.

  12. Et si je puis me permettre un petit commentaire de plus sur cette question : j’ai du mal à comprendre ces gens qui ne conçoivent un projet politique qu’en termes de communauté culturelle homogène (ou en tant qu’acceptation de seules différences minimales  »mais pas trop criantes, svp »).

    L’idée d’un projet politique et/ou d’une structure multi-ethnique, multi-culturelle, multi-confessionnelle rassemblant – autour et dans le cadre d’un projet civique – des gens divers, conscients de leur différences, mais respectueux entre eux et  »unis dans leur diversité » (fut-elle la petite Belgique) exerce sur moi infiniment plus de séduction que n’importe quel projet  »mono-ethnique » (fut-il  »grand-français »).

  13. La Belgique a été crée en 1830 comme état tampon entre les puissances
    européennes dans l’espoir d’apporter la paix en Europe. Aujourd’hui ce
    rôle est dévolu à l’Union Européenne. La Belgique perd sa raison d’être.
    Les communautés pour lesquelles l’union faisait la force [d’atteindre cet
    objectif de paix] n’ont plus d’objectif commun. Les tensions entre-elles
    surgissent. Bruxelles, ville cosmopolite au jour d’aujourd’hui, est prise
    entre 2 feux. Ses habitants ne se reconnaissent ni dans l’une ni dans
    l’autre. Ils revendiquent leur indépendance face à ces barons
    communautaires qui lui dictent leur loi en l’affamant: territoire trop
    petit, subventions trop maigres, dictat de représentations politiques
    parachutées, tentatives de prises de contrôle téléguidées,… Trop is te
    veel! Commençons par taxer les revenus du travail là ou le travail prend
    place! Imposons que les travailleurs des services publics bruxellois
    (communaux et régionnaux) soient résidents de Bruxelles-Capitale.
    Séparons les familles politiques bruxelloises de leurs « maisons mères » pour les
    rendre autonomes face aux barons communautaires ou régionaux. Proposons
    une représentation fédérale proportionelle au nombre d’habitants de
    chacune des 3 régions du « pays ». Selon le « SPF Economie – INS,
    Statistiques de population », cela donnerait, avec les territoires
    actuels, 997.126/10.372.469 pour RBC, 6.003.351/10.372.469 pour la Flandre et
    3.371.992/10.372.469 pour la Wallonie soit respectivement 9,6%, 57,8% et
    32,5%. Chiffres qui changeraient avec l’élargissement de Bruxelles à sa
    périphérie (l’ancien Brabant?) qui n’a pas de sens hors d’elle.

    Juste une opinion…

  14. Je découvre votre blog avec intérêt.
    Il y a une dérive dans les propos de Jean-Charles assez dangereuse pour les habitants du Brabant wallon. Risque décrit dans un courrier des lecteurs du journal « Le Soir » du 22 décembre 2006 et sur le blog de son auteur : http://www.claude-thayse.net/article-4955289.html.
    Bien entendu, l’auteur se déclare « rattachiste », mais son analyse n’en est pas moins inquiétante pour les habitants francophones des communes de Waterloo et de Braine-L’Alleud qui se flamandiseraient à terme.

  15. Ce que l’on constate, c’est que les pays multi-ethniques qui se constitués sous l’effet de la domination d’une partie de la population sur une autre finissent toujours par se désagréger. Ainsi en a-t-il été de l’empire Austro-hongrois, de l’empire Ottoman, de la Yougoslavie, de l’URSS, de la Tchécoslovaquie, de l’Érythrée… Aujourd’hui c’est la Belgique qui est confrontée au risque séparatiste, demain le Canada ou l’Espagne, après-demain le Royaume-Uni ou .

    La France et les États-Unis échappent à ce mouvement uniquement parce qu’ils ont très efficacement détruit les nations qui les composaient, les fondant toutes en une nouvelle nation par le jeu des échanges et de la domination culturelle.

    Or la grande nouveauté de l’Europe, c’est de vouloir l’unité dans le respect de toutes les diversités. Ce projet se fonde non pas sur l’oppression, mais sur la volonté commune. Et lorsqu’il en est ainsi, on constate que ça tient plutôt bien la route, comme en témoigne l’exemple suisse depuis huit cent ans. En Suisse, il existe une identité suisse très forte, qui ne s’est pas construite contre l’identité cantonale, qui reste tout aussi forte, mais à côté d’elle. À Genève, on est Suisse ET Genevois. De même, il nous faut construire une Europe des citoyens, où tous pourraient se reconnaître et se proclamer fièrement tout aussi européens que français, allemands ou slovènes.

    Pour cela, je considère que le problème belge n’est en rien comparable à la situation de l’Europe. Là, on essaie de sauver un pays artificiel imposé par les grandes puissances du XIXe siècle et qui s’est construit sur la domination francophone ; ici, on essaie de construire un projet post-national par et pour les citoyens.

    Je dirais même que cette séparation belge peut représenter une chance de reconstruire un État multinational fondé cette fois sur la volonté souveraine des peuple : la Flandre, la Wallonie et Bruxelles pourraient s’unir au Luxembourg et aux Pays-Bas pour fonder la Fédération du Benelux (ou tout autre nom)… Cela donnera peut-être des idées à la France et à l’Allemagne, qui sait ?

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