On l’attendait depuis des semaines. Il l’a confirmé ce soir. Il ne briguera pas de 3ème mandat. Jacques Chirac, « Européen convaincu » autoproclamé de la première heure, immortalisé par l’excellent film de Karl Zéro, quittera dans quelques semaines la scène politique française et internationale après 40 ans de bons et loyaux services.
Une longue carrière ponctuée de citations collector, dont quelques perles européennes que j’ai tenues à rassembler ci-dessous comme un dernier hommage à ce grand homme qui a tant oeuvré pour l’Europe et l’amitié franco-allemande. L’heure des bilans a sonné!
Best of 1970: contre l’Europe?
Jaques Chirac, pas encore maire de Paris, est déjà un Européen de la première heure. Il en parle beaucoup dans ses meetings et pas n’importe comment. A l’époque, l’ami Jacquot aime dénoncer une « Europe mollusque », une « bureaucratie bruxelloise », ou encore une « Europe de l’impuissance »…
1978: contre l’Espagne?
L’Europe compte alors 9 membres et envisage d’intégrer la Grèce, le Portugal et l’Espagne. Jacques n’est pas en reste:
« Nous ne sommes pas du tout favorables à l’élargissement du marché commun: pour deux raisons (…) plus cette Europe s’élargit, plus ses contradictions internes s’accroissent et moins nous avons de chances de réaliser une Europe unie. (…) Ces deux raisons nous conduisent à être hostiles à l’entrée de l’Espagne dans le marché commun. »
6 décembre 1978: contre une représentation démocratique du peuple européen?
Nous sommes à la veille des premières élections des députés européens au suffrage universel. Chirac prononce le fameux appel de Cochin depuis sa chambre d’hôpital, suite à un accident de voiture. Probablement son meilleur discours européen:
« Il est des heures graves dans l’histoire d’un peuple où sa sauvegarde tient toute dans sa capacité de discerner les menaces qu’on lui cache. L’Europe que nous attendions et désirions, dans laquelle pourrait s’épanouir une France digne et forte, cette Europe, nous savons depuis hier qu’on ne veut pas la faire. Tout nous conduit à penser que, derrière le masque des mots et le jargon des technocrates, on prépare l’inféodation de la France, on consent à l’idée de son abaissement. En ce qui nous concerne nous devons dire NON. »
1980: contre la Turquie?
Alors que la Grèce n’est pas encore entrée dans la CEE de l’époque, Jacques anticipe le futur problème turc: « Cette histoire d’élargissement de l’Europe est tout à fait absurde. La Turquie, maintenant, est candidate. Demain, ce sera le Zimbabwe! »
1989: contre l’Euro?
Jacques l’Européen se déclare hostile à la monnaie unique européenne.
1995: pour l’Europe?
« Je suis un Européen réaliste… pour une Europe élargie qui représente l’ensemble de notre continent, c’est à dire un retour à la famille européenne« .
2004: pour le droit de se taire?
10 nouveaux Etats-membres, dont la Pologne rejoignent l’Union Européenne à 15. La Pologne comme beaucoup de ses voisins est profondément atlantiste et commande des avions de guerre américains plutôt qu’européens. A quoi répondra l’ami Jacques par un laconique: « ils ont raté une occasion de se taire! »
Avril 2005: pour la promotion de la démagogie?
Le Président sort de sa réserve pour répondre en direct à la télévision aux inquiétudes de 100 jeunes lors du débat autour du Traité Constitutionnel Européen. « N’ayez pas peur!« , leur dira-t-il. Citant retrospectivement les débats dans les années 1980 autour de l’entrée de l’Espagne et du Portugal comme un « tollé »: « On nous expliquait que toutes les calamités allaient nous arriver. Le bénéfice a été évidemment extrêmement positif. »
Septembre 2005
Jacques ne s’est pas encore excusé auprès de la Pologne mais invite à « penser à l’avenir« , en particulier celui de l’UE et de la Turquie en son sein:
« Au nom de quelle tradition humaniste, européenne, nous pourrions dire à des gens qui disent: ‘nous voulons avoir les mêmes valeurs que vous’: ‘on ne vous veut pas’. Au nom de quoi? »
11 mars 2007: Adieu Jacques!
Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis! Car au delà des mots, on devrait remercier Jacques Chirac pour avoir porté la voix de la France au niveau européen. C’est notamment grâce à lui que la France a voté non au TCE la France a eu son président de la BCE, grâce à lui que la France collectionne de prestigieux portefeuilles à la Commission Européenne à l’instar de celui aux transports détenu actuellement par Jacques Barrot.
Ce soir, Jacques a annoncé son départ et prononcé quelques mots en faveur de l’Europe: « Il est vital de poursuivre la construction européenne (…) Ce n’est pas seuls que nous ferons face aux bouleversements économiques du monde« . Tout en soulignant plusieurs fois le modèle français et l’exception culturelle française… Comme si, malgré la phrase citée ci-dessus, la France de Jacques pouvait encore faire beaucoup de choses toute seule voire même inspirer le reste de l’Europe. Peut-être l’Europe de demain aura-t-elle envie du modèle français?
« Il y a une vie après la politique » confiait-il à Michel Drucker il y a quelques semaines. Y-aura-t-il un renouveau de l’Europe en France après son départ? Au vu de la campagne actuelle, Jacques peut se féliciter: il a enfanté de beaux spécimen européens dans son camp… et pas seulement (cf. les différents discours contradictoires de Mr Sarkozy et Mme Royal).
Non, Jacques, ne pleurez pas votre départ. Vous avez tout donné pour l’Europe. Cela mérite bien un best-of vidéo pour se rappeler ces grands moments de politique européenne. Chapeau bas l’artiste!
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