Etrange sensation que celle d’avoir passé le week-end avec de Villiers. D’abord, il y a eu la vidéo « à la Star Wars » bloguée hier, puis la présence du vicomte dans l’émission Ripostes sur France 5. Avec un leit-motiv qui risque de devenir son nouveau cheval de bataille et que je résumerai ainsi : Bruxelles veut tuer notre gastronomie. En tant qu’amateur de bonne bouffe européenne et défenseur du terroir à ma modeste échelle, je trouve qu’il est temps de corriger ces inexactitudes.
Deux affaires, deux mythes, et encore deux énormités de plus utilisées contre l’Union Européenne…
L’affaire du rosé
C’est le sujet brûlant du moment en France. Pour changer, la Commission Européenne serait coupable de forcer la France vers la malbouffe « malbibine ».
Il n’en fallait pas plus au néo-libertaire de Villiers qui a trouvé là un nouveau hochet pour taper sur la Commission. Quant au candidat Barnier, il a mordu à l’hameçon… pour rien. Au final, comme bien souvent, une énorme mystification et beaucoup de débats stériles autour d’une mesure qui ne concerne que 10% des rosés et qui ne fait que rappeler que certains viticulteurs préfèrent de toute façon vendre de la piquette coupée vite fait bien fait (qui trouvera toujours des preneurs…). Pour ceux que le sujet intéresse, Backchich a publié une excellente synthèse qui remet les idées bien en place.
Bretzel et camembert
Monsieur le vicomte aime aussi le bon fromage, le vrai, celui qui sent mauvais ! Un bon point. Mais d’où sort-il que le camembert sera interdit parce qu’il est trop dangereux (trop gras + risque de listéria ?) pour la santé ? Soyons sérieux ! Quel intérêt la Commission européenne aurait-elle à interdire le sacro-saint camembert, cette même Commission qui l’a gratifié d’une AOP (Appellation d’Origine Protégée) en 1996, justement pour lui rendre ses lettres de noblesse ?
Autre spécialité, autre problème : le bretzel, ce bon gros pain salé, spécialité bavaroise et alsacienne serait menacé !
Rappel des faits : en 2005, plus de 20% des Européens étaient en surpoids. Des chiffres en hausse permanente. Nous mangeons toujours plus vite, plus gras, plus riche… C’est dans ce contexte que Bruxelles s’interroge sur la manière de mieux informer le consommateur sur un taux élevé de matière grasse, sel ou autre substance peu bénéfique pour la santé (en grande quantité).
J’avoue que la Commission n’a vraiment pas grand chose à faire en ce moment pour discuter d’un énième étiquettage alimentaire… Qui ne sait pas qu’un camembert ou un bretzel contiennent « trop » de matière grasse et de sel ? Il y aurait pourtant plus urgent à faire en ce moment, comme réfléchir à des plans de relance européens, pour le secteur automobile par exemple, ou sur la pédagogie de l’Europe dès le plus jeune âge, ce qui éviterait d’accumuler les bérézinas électorales tous les 5 ans… En tout cas, Bruxelles n’a à aucun moment parlé d’interdiction de ces produits.
Encore une fois, que d’inexactitudes, que d’approximations, mais n’est-ce-pas le propre du caricaturiste nationaliste qui aime tant noircir le trait ?
Soyons sérieux une seconde ! Quite à polémiquer autour de ce camembert, autant le faire intelligemment. Le problème, s’il y en a un, est moins européen que français. Monsieur le Vicomte ne semble guère s’émouvoir de la disparition lente des camemberts AOC et du lobbying acharné de quelques groupes laitiers peu scrupuleux (sans aucun rapport avec Bruxelles), ni du fait que des régions autres que la Normandie aient le droit de produire ce fromage (toujours sans rapport avec Bruxelles), et je ne parle même pas de la chose portant la mention « camembert » qu’on trouve parfois en dehors de France et qui mériterait davantage sa place au rayon mastic d’un magasin de bricolage qu’au rayon frais (no comment…).
Tout cela, les pro-européens le savent. Si seulement quelques eurosceptiques lisent ce billet, j’espère au moins qu’ils cesseront de colporter ces bêtises, à défaut de changer radicalement d’opinion sur l’Europe. A force de pédagogie, le nombre d’inepties finira bien par baisser.