Suite à la polémique autour du CPE, je vais rebondir sur le thème de l’emploi et l’éducation en France.
L’idée du CPE partait d’un simple constat: 22% des moins de 25 ans en France sont sans emploi. Comment y remédier?
Jusque là, deux idéologies économiques s’affrontent. Pour caricaturer: une flexicurité (modèle danois) à la française revendiquée par une partie de la droite et l’Etat-Providence par la gauche.
Dans le premier cas, c’est la liberté d’embaucher et de licencier au gré de l’activité économique mais avec des garanties sociales, morales et financières en cas de licenciement. Dans le second cas, c’est le soutien de l’économie et des emplois par l’Etat puisque les entreprises rechignent à embaucher.
Mais que penser d’un Premier Ministre réclamant une « flexicurité » sans sécurité? Que penser de Mme Aubry qui déplore le nombre trop important de précarité (intérim, CDD) chez les jeunes alors qu’elle même avait créé en 2002 des emplois précaires jeunes pour une durée déterminée de 5 ans?
Une partie de la jeunesse gronde. Chirac s’enfonce un peu plus. Villepin a définitivement acquis la clé du placard à balais pour 2007. La droite joue au « ni retirer-ni nier la vox populi ». Les syndicats et la gauche ne déragent pas contre le CPE, mais aussi le CNE. Et les autres?
A l’écart de ce charivari, la position de l’UDF, tue par les médias, mérite intérêt car pragmatique. En l’état actuel des choses, Bayrou exige le retrait du CPE, mais recommande de donner sa chance au CNE avant d’aviser.
Dans tous les cas, le problème du CPE souligne un problème bien plus large que le simple chômage des jeunes: l’Education. Alors quelles pistes pour les emplois de demain?
Les diplômés universitaires:
Certains politiques pensent qu’il faut étudier le plus longtemps possible. Constat plutôt vrai mais assez simpliste. Ce n’est pas en créant une génération master & postdoc qu’on créera plus emplois. De plus, tout le monde ne peut ou ne veut faire de longues études!
Dans ses propositions pour l’emploi des jeunes, DSK mentionne quelques solutions intéressantes: inciter les entreprises à embaucher des jeunes, soit par une loi de discrimination positive, soit par des abattements fiscaux. Mais cela ne résoud toujours pas le mal à la racine.
Car les jeunes diplômés issus d’université ont certes un master ou une licence reconnus dans toute l’Europe, mais ils ne savent rien faire! Le monde de l’entreprise demande des employés rapidement opérationnels avec de l’expérience qui ne peut qu’avoir été acquise en stage. Or les universités, hormis quelques filières (non sans mal) n’incitent, ni n’aident à trouver des stages. L’entreprise est un concept étranger à l’université française et aucun politique ne s’en émeut! Pourtant, il faudra bien un jour, sur le modèle des grandes écoles françaises, inciter les universités à placer leurs étudiants dans des stages durant leur cursus. Quitte à échanger pendant un semestre le banc de fac contre la chaise dactylo, comme c’est souvent le cas en Allemagne.
La réforme européenne LMD, par son système de crédits, va heureusement dans ce sens puisqu’elle permettra par exemple de valider un stage avec une note décomptée dans la note finale pour l’obtention du diplôme.
Enfin, la pétition du Mouvement européen pour un service civil européen (cf. précédent article) va aussi dans le sens de la mobilité. Un diplômé qui ne trouve pas d’emploi en France peut trouver son bonheur ailleurs en Europe.
Les non ou faiblement diplômés:
En 1989, Jospin, ministre de l’Education Nationale, fait inscrire « dans le marbre » une loi d’orientation sur l’éducation:
« Art. 3. – La Nation se fixe comme objectif de conduire d’ici dix ans l’ensemble d’une classe d’âge au minimum au niveau du certificat d’aptitude professionnelle ou du brevet d’études professionnelles et 80 % au niveau du baccalauréat. »
Objectif atteint. Et maintenant? Nous avons un bac dévalorisé, des amphis de fac blindés en 1ère année et une kyrielle d’échecs et de filières « poubelle » dans nos universités.
Notre système a complètement négligé l’orientation des élèves. Il oriente ainsi chaque années des miliers d’étudiants dans des filières « psycho-philo » sans débouché. Récemment, on a même vu (dans une très faible mesure, car cachés par les manifestations anti-CPE) les étudiants en Staps manifester contre la réduction dratique et subite du nombre de places au concours de professeur d’EPS. L’Education nationale ne pouvait-elle pas anticiper ce phénomène?
Pis, notre système a ignoré les filières d’apprentissage de métiers manuels. Le résultat est sans appel: la France déconsidère les métiers manuels, au contraire de l’Allemagne qui les promeut avec succès depuis des années. La réforme Villepin corrigera-t-elle le tir?
Les entreprises
Je mentionnais le problème des stages. En fait, ceux-ci existent mais à la fin des études. Et là, comme le soulignait Thomas, on nage dans l’exploitation la plus totale. Beaucoup d’entreprises ne donnant rien, tout au mieux 30% du smic (montant fixé par l’Etat)! Il y a peu, Villepin a amélioré les choses en obligeant à indemniser un stagiaire avec ces 30% si le stage dépasse les 3 mois. Mieux que rien mais encore très insuffisant quand on sait que le stagiaire représente une main d’oeuvre à bas coût. Mais le pire reste qu’un stagiaire n’a aucune reconnaissance: aucune cotisation pour la retraite, un vide juridique.
Le stage devrait être une passerelle pour l’emploi, pas une arnaque en chaîne! Un mouvement, Génération précaire, lutte depuis l’an dernier contre ce système. Je vous invite à signer la pétition. La balle est dans le camp des politiques.
Et l’ANPE dans tout cela?
Comme le souligne DSK, un fonctionnaire ANPE s’occupe de 150 demandeurs d’emploi contre 20 au Danemark. Vrai, mais à relativiser tant l’efficacité du système a de quoi laisser perplexe.
Etant moi-même actuellement offreur de services, je m’étonne encore du parcours du combattant du jeune chômeur: inscription aux assedic, premier rendez-vous à l’anpe, obligations de mise à jour mensuelle de son statut aux assedic, rendez vous bilan à l’anpe, etc… Et ca se complique pour les RMIstes! Le RMI étant, depuis 2003, géré par les conseils généraux, il faut encore aller à l’antenne sociale départementale la plus proche pour réclamer son droit avant d’aller à une autre antenne pour être informé de ce même droit… Et c’est la CAF qui verse finalement l’indemnité. Il est d’ailleurs intéressant de voir que l’ANPE-Assedic ne partage pas ses données avec les CAF-Antenne sociale du Conseil général. Logique?!
Maintenant, je commence à comprendre le découragement de certains qui préfèrent finalement rester à la maison. Quand aurons-nous le courage de simplifier ces institutions pour créer, comme au Royaume-Uni, des « job centers » où toutes les procédures se font en un lieu unique?
Au delà des débats stériles sur le CPE, il y a donc matière à informer, discuter et essayer si l’on laisse, pour une fois, les clivages politiques au placard.
Si vous lisez bien mes propos sur vos autres pages je vous ai plusieurs fois entretenu du génocide de toute une génération organisé avec la sottise du bac à 80% (Jospin) qui n’est qu’une gestion des flux et non pas une démocratisation de l’enseignement, qui ne prépare pas aux études supérieures mais aux échecs de 40 à 80% jusqu’en seconde année et qui décharge sur le marché de l’emploi des malformés, des handicapés, désorientés, dépités, décapités. Non, je ne provoquais pas du tout gaiement et je vous disais que le réveil de la crise des banlieues et de celui du CPE ne sont que des préludes à des crise bien plus graves, qui trouveront échos avec tous les précarisés qui n’ont même pas de contrat de travail, mais qui sont des « contractuels » et des low-costs.
Vous parlez des emplois « précaires » jeunes créés par Madame Aubry. Par votre choix sémantique du mot « précaire » vous désinformez. En effet, comme vous ne l’indiquez pas, ils étaient d’une durée déterminée annoncée à l’avance et négociée avec le candidat; ils étaient assimilables à une bourse d’étude avec une formation ciblée. Le jeune signant un tel contrat savait d’emblée qu’il n’était pas un kleenex low-cost, mais qu’il bénéficiait d’une chance de se former parallèlement. L’éducation nationale a été gourmande de tels jeunes qui ont pu poursuivre justement des études grâce à ce système. Ils savaient qu’un temps leur était imparti pour se former, reprendre des études, changer de formation ou approfondir leur formation initiale. Ceci n’avait donc rien à voir avec les chifonettes proposées par le CPE. Et de plus ils étaient très utiles dans le cadre de « petits boulots » d’encadrement dans la communauté éducative.
Les emplois jeunes étaient, d’un point de vue légal, des contrats à durée déterminée. Or Madame Aubry a souligné durant la crise du CPE que les CDD, comme les CPE étaient des contrats « précaires ». Donc les emplois jeunes étaient des emplois précaires. Cqfd.
Feu le CPE était, comme dit et redit, bien loin de la perfection et même injuste à certains égards. Mais il aurait au moins eu une qualité que je mettrai en relation avec mon article ci-dessus, il aurait permis de découvrir le monde de l’entreprise et pas le monde du service public. Entre « faire le pion » dans un lycée et travailler en entreprise, je pense que la 2ème solution est plus bénéfique, à moins que « l’employé jeune » ne se destine à une carrière dans le public.
Mais plutôt que de rebondir sur mes formules rhétoriques, j’aimerais mieux connaître ton avis ainsi que d’autres sur mes propositions. Le CPE et les emplois jeunes appartiennent au passé. L’avenir, c’est quelles solutions ambitieuses pour quels emplois?
Et voilà, nous sommes à la case départ. ? . Pas du tout. Certes, nous avons une aide aux grands brûlés de l’éducation nationale déversés sans diplômes sur les hard-discounters du marché du travail, certes nous avons encore un second marché du travail subventionné qui ne répond pas aux réalités des équilibres économiques. Certes, nous ne nous donnons toujours pas un plan de correction du système scolaire et formatif et encore moins de celui de « la seconde chance ».
Un cautère? Oui. Un cautère est appliqué pour brûler ou désorganiser les parties vivantes sur lesquelles on l’applique.
De la précarisation de toute forme de travail, voire des CNE et de tous les autres contrats baillons, on ne parle pas. Si, et là je me réjouis. La jeunesse de france s’est politiquement réveillée. Elle ne protège pas des acquis qu’elle n’a pas, elle n’est pas conservatrice et ne réclame pas la sécurité. Tout ceci c’est du bavardage. Elle réclame sa dignité et ses chances au même titre que les acteurs de la globalisation positive de l’économie et donc que les marchés financiers qui florrissent en triplant, quadruplant leurs mises de fonds. Pourquoi pas nous? Oui, belle jeunesse, notre avenir, vous méritez toutes nos attentions, vous êtes notre relève. Une relève politique? Un simple tsunami? Une relève durable dans votre développement durable. J’ai rêvé avec vous ces deux derniers mois. Get up, stand up for your mind!
Quant aux grands guignols septas, ils ne seront pas remplacés par les qaudras qui se font des illusions de prise de pouvoir. Les petites gens et les jeunes ont dit non à l’arrogance et au dédain. En ce sens le mur de Berlin commence à tomber pour les peuples de l’ouest. La politique sans consultation, c’est du passé.
La Je-Génération a découvert la conjugaison.