Pas de faux espoirs! Jacques Chirac n’a pas abdiqué. C’est l’Union Européenne qui, depuis le 1er juillet, a changé de présidence.
Tous les 6 mois, l’un des 25 Etats-membres donne les grandes directions à suivre et dirige les sommets européens qui ont lieu à Bruxelles et dans le pays hôte, en l’occurrence à Lahti.
Exit donc l’Autriche qui, à défaut d’avoir trouvé une solution concrète au sort du TCE (nouveau report d’un an jusqu’à fin 2008), a au moins fait oublier l’ambiance délétère générée par la médiocre présidence britannique.
Quel programme pour la Finlande?
Une fois de plus, l’UE affiche de nobles desseins et un joli modèle à suivre: la Finlande. Ce petit pays de 5 millions d’habitants entré en 1995 ne manque pas de bons résultats en matière d’économie, de social, de services publics, etc… La Finlande l’a dit clairement, elle veut inspirer l’UE. Elle qui assurait sa première présidence en 1999 durant laquelle s’est décidée l’adhésion de la Turquie sans accrocs et sans guère de remous auprès des dirigeants d’Europe, hormis un Hubert Védrine, Ministre des affaires étrangères français caustique: « C’est comme si la France demandait à adhérer à l’Union Africaine« .
Qu’attendre de concret pour les 6 prochains mois? Dans une société de consommation où le résultat doit être immédiat, on nous promet une baisse de chômage instantanée, on nous promet une UE moins bureaucratique. Tout va dans le sens du fast-food, fast-speech, fastidieux.
Que fera la Finlande, 16ème Etat à avoir ratifié le TCE, pour relancer la Constitution mise entre parenthèses par Vienne jusqu’à 2008 ? Que fera la Finlande sur l’élargissement (Olli Rehn, Commissaire à l’élargissement est Finlandais) et l’épineuse question des frontières?
Officiellement, l’UE devrait enfin aborder la question de la capacité d’absorption sans cesse reportée. Pas question d’ajouter de nouveau critère a répondu Helsinki! Dans les faits, la route est tracée: le dossier roumano-bulgare est en cours, idem pour la Croatie. Les Balkans sont en phase d’arrimage progressif avec l’UE. En fait, c’est le cas turc qui va ressurgir tel un boulet qu’on aimerait cacher. La Finlande veut éviter toute rupture des négociations, Bruxelles lance des amicaux « Attention, ça n’est pas bien! » à la Turquie (cf. article précédent). Etonnant de voir un pays participer au marché unique et dicter sa loi à une Union dont il n’est même pas membre à part entière. Que fera la Finlande?
Conseils Européens, projet européen et démocratie
J’ironise sur la Finlande, mais c’est l’institution « Conseil de l’Europe »qui mérite un avertissement. Comment décemment faire croire à des évolutions significatives en 6 mois? Et pourtant, l’UE va mieux. Pour la première fois, en 2003, les 6 pays présidents à venir de l’UE entre 2004 à 2006 ont rédigé un programme triennal (téléchargeable ici), une feuille de route à suivre. La Finlande clot ce chapitre. Un mieux qui ne saurait cacher la non-transparence de cette vénérable institution.
Récemment, je relisais le célèbre noniste Etienne Chouard qui reprochait à l’UE un manque de démocratie et se posait la question du rôle d’une démocratie parlementaire vs citoyenne. Encore faudrait-il que le Parlement Europeén joue son véritable rôle!
L’enjeu, à mon sens, n’est pas de tourner autour du pot ou de le repeindre mais de changer le pot! Il faudra bien un jour redéfinir le rôle de chaque institution européenne. S’il en est une qui n’est guère démocratique, pour ne pas dire anti-, c’est bien le Conseil européen. A chaque sommet, des débats d’où ne filtrent que quelques images de ministres sortant de grosses cylindrées aux vitres fumées. Des décisions couperet qui tombent sans considération du peuple ni du Parlement Européen qui n’a pour seul droit celui de commenter les décisions.
Etienne et les autres nonistes, mais aussi tous les autres, jusqu’à quand allons-nous tolérer cela? Le problème de l’Europe n’est pas son orientation économique mais son sytème politique créé pour 6 Etats, désuet aujourd’hui. Le Conseil doit évoluer! Mais en quoi?
J’ai découvert votre blog par celui de Dominique Reynier et je suis content de lire cet article sur la présidence finlandaise.
Je crois qu’Helsinki s’est lancée dans une présidence bien plus modeste que celles de l’Autriche ou du Royaume-Uni, et ses priorités sont celles d’un pays pragmatique: bonnes relations avec la Russie (dont la Finlande est un exemple réussi), innovation, emploi et la mystérieuse « northern dimension ». La présidence est bien sur trop courte (et donc je crois qu’il faudrait trouver un autre mécanisme) mais c’est l’occasion au moins de relancer les dossiers les plus épineux. Et il faut aussi souligner l’humour de cette présidence qui publie une newsletter hebdomadaire en latin et a mis sa gastronomie à l’honneur, ce que notre président de la République va beaucoup aimer.
Sur la question de l’élargissement, la Finlande a commencé à modérer son habituel préjugé favorable aux élargissements: elle a rappelé à la Turquie que la reconnaissance de Chypre était nécessaire à la ratification de l’union douanière avec les 10 nouveaux pays.
Vous réfléchissez sur le rôle du conseil et c’est une questions controversée et ancienne: Conseil de l’Union européenne comme chambre des Etats dans un modèle fédéral? Conseil de l’Union européenne comme instrument d’une Europe intergouvernementale ?
Je reviendrai et je vous invite à lire l’article de Nouvelle Europe sur la présidence finlandaise: http://lanouvelleurope.free.fr/dotclear/index.php?2006/06/30/102-la-presidence-finlandaise-va-tenter-de-reveiller-l-europe
Je ne suis pas non plus insensible à cette « northern dimension ». Je suis d’ailleurs un grand fan de la Finlande où j’ai vécu presque un an. Malheureusement, Finlande ou pas, volontarisme ou pas, humour ou pas, aucun pays ne peut réussir à changer la donne en 6 mois.
Je n’ai pas ressenti de fléchissement d’Olli Rehn par rapport à la Turquie. Bruxelles a chuchoté cette condition de reconnaissance de Chypre avant et pendant les négociations pour l’ouverture d’adhésion le 3 octobre dernier. Même un peu plus fort, elle continue à chuchoter une « menace » à Ankara qui n’a pas l’air de prendre Bruxelles au sérieux.
La réforme du Conseil me paraît être une première réponse aux nonistes qui reprochent une Europe arrogante et seule sur son nuage. Je vois un drôle de paradoxe pour cette institution centrale qui fait un travail à long terme et qui, pour satisfaire l’égo de ses Etats-membres, change de tête tous les 6 mois.
Dans l’idéal fédéraliste, ce folklore bi-annuel ne me gênerait guère si le Conseil était réduit à une chambre des Etats, tel un EuroSénat et à la condition que ce Conseil supprime enfin le vote à l’unanimité dans la plupart des domaines.
Dans tous les cas, c’est l’octroi du pouvoir législatif au Parlement Européen qui fera décroître de facto le rôle du Conseil. La première Constitution Européenne devra donc donner au PE le rôle qui lui revient. Mais le Conseil, seul décisionnaire renoncera-t-il à son pouvoir absolu?
Oui bien sur, mais l’équilibre est périlleux entre une option intergouvernementale et une option fédérale: pourquoi un Etat se verait appliquer une politique qu’il refuse de toutes ses forces dans un domaine clef. Je ne suis pas particulièrement intergouvernementaliste mais prenons un exemple: en Finlande, la neutralité fait partie intégrante du pacte social. Le développement de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD) sans veto ou possibilité pour la Finlande de ne pas y adhérer remettrait en cause cette option fondamentale, tout comme pour l’Irlande, l’Autriche ou Malte.
Je crois que cet équilibre doit pouvoir trouver un juste milieux et la proposition d’une présidence du conseil européen stable et d’une présidence tripartite du conseil de l’Union européenne (qui sont bien deux choses différentes) me paraissait une avancée intéressante, conjointement au renforcement des pouvoirs du Parlement européen et à une nouvelle définition de la majorité qualifiée au conseil et son élargissement à de nouveaux domaines.
C’est vrai qu’une transition d’un modèle à l’autre serait compliquée car chaque modèle a ses défenseurs et le débat se résumerait probablement à un dialogue de sourds tant l’orientation stratégique est différente. On revient au clivage Europe des nations vs Europe fédérale.
Comme tu le soulignes, on ne pourra pas décider de tout à la majorité, mais entre presque tout à l’unanimité aujourd’hui et l’inverse, nous avons une marge de progression.
J’aime beaucoup ton idée de direction tripartite et de noyau dur. Mais comme dit, je crois que le rôle du Conseil se précisera quand le Parlement aura ses prérogatives. Il faudrait aussi, puisque tu parles de domaines, délimiter les domaines de compétences de l’UE qui se sont considérablement élargis au point de supplanter le Conseil de l’Europe et désorienter les citoyens qui ne savent plus si une compétence revient à la région, au pays ou à l’UE? Encore des points qu’il faudra préciser dans la Constitution EU1… Mais le partage de compétences à différents échelons nous ramène au modèle fédéraliste dont beaucoup de citoyens ont peur. Encore de belles discussions à venir!