« Le monde a besoin d’Europe ». C’est peut-être le principal enseignement qu’on peut tirer du discours de François Bayrou qui était hier soir à Strasbourg dans le cadre de sa campagne électorale.
Certes, on est loin du faste socialo-gaulliste parisien, mais le dernier des Européens (français) a visé juste dans son discours qui aussi français ait-il été – FB a abordé des problèmes aussi graves que la dette croissante de l’Etat ou encore la paupérisation des universités françaises – a aussi été en grande partie européen.
C’est sûr, certains seront déçus de ne pas entendre parler « d’Europe des projets » (stériles) ou de « directoire européen » (tout aussi stérile). Quand Bayrou parle d’Europe, c’est pour en évoquer la partie claire – les pères fondateurs, les succès économiques, l’euro – mais aussi la partie obscure – l’Europe d’hier et des « malgré-nous », celle d’aujourd’hui et des technocrates qui concentrent toute leur attention à juger du diamètre parfait des oeufs, de la taille des frigos ou encore du poids de la Wurst.
Il dénonce aussi ce mensonge spécifiquement français qui consiste à faire croire que la France est encore capable de tous les miracles par la seule divinité gaulloise! Mr Sarkozy promet la réduction de la TVA à 5,5% sur la restauration française (comme Chirac en 2002 – sans succès). Mme Royal compte animer l’Europe des projets par sa seule grâce. « Mr Properus Gaullus », le dieu des miracles gaullois, lave plus blanc que blanc toute idée politique. Le problème est qu’à force de récurrer, on finit par délaver puis irriter.
Bayrou a joué franc jeu. Il reconnaît l’énorme erreur d’avoir laissé le fonctionnement de l’UE entre les mains d’experts déconnectés de toute réalité citoyenne, qualifiant cette dérive comme « une des plus grandes tragédies politiques de notre temps ». Le Béarnais clame aussi ses opinions: « L’Europe est un grand chantier de l’avenir » et pose la question fondamentale: « Quel est le projet européen? Vers quoi allons nous? » Renchérissant par: « Qui veut l’union de l’Europe pour changer le monde… pour défendre notre modèle social et culturel… notre modèle philosophique et spirituel? » Justifiant au passage son désir de Constitution et son refus de voir entrer la Turquie dans l’UE.
A contrario de ses deux rivaux à la présidentielle, il dresse un constat sans appel: aucun problème des Français ne trouvera réponse sans l’Europe. Et il énumère 7 points:
- La nécessité d’avoir une politique budgétaire et fiscale européenne en sus de la politique monétaire
- La nécessaire mise en place d’une politique de défense européenne avec, à terme, la question d’un contrôle européen sur l’arme nucléaire française (Dupont Aignan et consors doivent être verts de rage)
- La mise en place d’une stratégie diplomatique pour ne pas regarder impuissants la Chine investir l’Afrique
- Une action européenne pour lutter contre le réchauffement de la Terre
- L’indépendance énergétique face au géant russe
- La mise en place d’une politique de recherche européenne
- Une politique d’immigration européenne accompagnée d’un plan de co-développement avec l’Afrique
Sur ce dernier point, on ne l’accusera pas d’eurocomplaisance puisqu’il dénonce au passage les subventions octroyées aux céréaliers américains et européens qui inondent l’Afrique de leurs céréales à des coûts artificiellement bas, atomisant la production locale (et pompant au passage une grosse part du maigre budget européen).
« Il faut que l’Europe soit l’affaire des citoyens européens », que ces derniers ne considèrent plus les sujets européens comme des sujets étrangers. Pour cela, Bayrou préconise une seconde conférence intergouvernementale pour donner naissance à un texte réellement constitutionnel, simple, lisible, qui (re)présenterait le projet européen, celui d’une union politique fidèle à ses valeurs, à son identité et qui serait naturellement incarné par un Président de l’UE.
Oui, le monde a besoin d’Europe. La France a besoin de l’Europe. Dommage que ce soit le 3ème homme qui fasse ces constats, et pas les deux premiers couteaux qui préfèrent jouer de la surenchère de promesses non-réalisables et si possible non-européennes. Ce soir-là en tout cas, je n’étais pas le seul à râler en espérant des jours meilleurs pour notre Europe.
Bravo ! Décidément, plus les jours passent et plus j’ai envie de voter pour cet homme-là.
Excellente analyse. Viens de soumettre moi aussi un billet sur mon blog qui va dans la même direction. Quelque chose de très fort bouge en faveur de Bayrou.
Catherine, blog « l’europe dans la campagne »
http://catymi.blog.lemonde.fr/
En tant que militant UDF je ne peut qu’apprécier cet article très bien fait !
Par contre je pense que François Bayrou ne restera pas longtemps le 3 eme homme…
Pour le bien de l’Europe, j’espère que tu dis vrai Laurent. On le saura bien assez tôt. Les jours prochains devraient riches en révélations.