Hasard de calendrier ou conséquence directe de la stratégie de Lisbonne (qui vise à faire de l’UE l’économie mondiale la plus compétitive d’ici 4 ans), l’année 2010 s’annonce comme l’année de transition numérique en Europe.
L’occasion d’aborder 3 sujets qui influent sur notre quotidien: la télévision, la musique, et la culture en général.
2010 sera-t-elle l’année de l’odyssée numérique? Petit passage en revue…
Télévision numérique
D’ici la fin de l’année, l’UE aura pour la première fois dépassé les Etats-Unis en matière de télévision numérique. Ce qui signifie que 65 millions de foyers européens (contre 59,4 américains) regarderont la télé via le câble/satellite, l’ADSL ou la toute jeune TNT.
L’Europe du nord, longtemps en pointe, n’est plus seule. La moitié des foyers britanniques est passée au numérique. La France, dont 1/3 des foyers est au numérique (on en prévoit 3/4 d’ici 2010), a annoncé la mort de l’analogique pour le 30 novembre 2011. La progression rapide de la France reflète également sa primauté et supériorité en matière de télévision par IP/ADSL avec près de 1,7 million d’abonnés, soit près de 50% du marché européen.
D’ici 2010, on devrait cependant observer de fortes disparités au sein de l’UE; les prévisions allant de 49% d’équipement en Allemagne à 86% en Suède (sur l’ex UE-15).
Musique numérique (en ligne)
2010 toujours, année de passage à témoin entre l’industrie du disque « traditionnelle » et numérique? D’après une étude de l’institut marketing britannique Screen Digest dénommée « Musique numérique en Europe: évaluation du marché et prévisions », les ventes en ligne en Europe pourraient enfin compenser la chute dramatique des ventes de CDs si les labels jouent pleinement le jeu (d’iTunes Music Store?) et si les différents Etats européens s’entendent sur 3 points cruciaux: les DRM (sorte de copyright numérique), une éventuelle tarification européenne unique (par un nivellement des taxes) et une éventuelle licence globale européenne. La France a débattu de ce dernier point sans avoir pleinement tranché. Le débat mériterait certainement un angle européen…
Les ventes légales en lignes ont doublé entre 2005 et 2006. Entre 2006 et 2010, leur montant devrait passer de 280 millions à 1,1 milliard d’euros. L’ADSL et le succès de l’iPod (et consors) aidant, le succès devrait s’affirmer dans les années à venir.
L’institut marketing précise cependant que le retour à l’équilibre ne se fera que par un savant mélange de ventes traditionnelles (en magasins) et en ligne, mais aussi grâce aux ventes de sonneries pour téléphones portables (de plus en plus lucratives). Fait intéressant, l’étude démontre que la corrélation téléchargement illégal-baisse des ventes de CDs n’est pas complètement avérée. D’après la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI), la chute du nombre de fichiers illégaux circulant sur les réseaux peer-to-peer (de 1,1 milliard en 2003 à 885 millions en 2005) n’a pas enrayé la chute des ventes de disques. Ce qui devrait faire plaisir à l’Association Des Audionautes (ADA) en lutte pour une licence globale…
Bibliothèque numérique
Le dernier sujet est d’autant plus important qu’il concerne notre patrimoine culturel et représente notre volonté de nous saisir du dossier numérique dans son ensemble face au projet de Google de créer la plus grande bibliothèque mondiale en ligne. Le géant américain du web avait fait froncer les sourcils il y a plusieurs mois. L’Europe avait mollement répliqué en proposant (sur une initiative franco-allemande) le lancement d’un moteur de recherche européen nommé Quaero. Dont beaucoup pronostiquent déjà l’échec (cf. article de Loïc Le Meur).
La Commission semble depuis avoir enfin pris la chose au sérieux: les 25 doivent accélérer la cadence pour être en phase avec la stratégie i2010 (agenda de Lisbonne) visant à stimuler l’économie numérique européenne. Le patrimoine culturel européen doit être numérisé au plus vite. Ce qui ne se fera pas sans problèmes!
La numérisation de documents protégés suppose en effet des aménagements concernant le droit intellectuel, mais aussi la capacité à surmonter les nombreuses barrières juridiques et linguistiques au sein de l’UE. Quand on connaît le moteur diesel de la France en matière d’électronique, que penser d’un process à 25? L’objectif est en tout cas des plus nobles et devrait favoriser l’échange de connaissances intra-européennes. Littérature, peintures, photos, archives sonores, cinéma, tout passera à la moulinette. Une sorte d' »INA.eu » enrichie en textes fameux.
L’objectif pour 2008 est de numériser quelques 2 millions de documents, 6 millions en 2010. D’ici là, nos bibliothèques et archives devraient être connectées entre elles et avec la future bibliothèque numérique européenne.
Les quatre prochaines années s’annoncent donc palpitantes pour l’UE qui devra saisir la balle au bond si elle veut garder un avantage mondial en termes de R&D appliquée aux nouveaux médias. En sera-t-elle capable?