Les plus eurogeeks d’entre vous auront compris la subtilité du titre. On nous rabâche sans cesse la création imminente d’un président de l’UE, mais il n’en est rien, nous n’aurons droit qu’à un président « permanent » du Conseil des chefs d’Etat. Car après des années de suspense, le traité constitutionnel européen de Lisbonne entrera enfin en vigueur au 1er décembre 2009. Avec deux grandes nouveautés : l’arrivée d’un président du Conseil (pour deux ans et demi renouvelable une fois) et d’un Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité *1 ministre des Affaires étrangères de l’Union. Ouf, il était temps !
Deux postes prestigieux – tout autant que la présidence de la Commission – importants même, en particulier le second. Et pourtant, comme pour la présidence de la Commission, on assiste à une drôle de campagne. Dieu soit loué, cette fois-ci, il semble y avoir plus qu’un seul candidat. Peut-être est-ce plus simple de se présenter comme un représentant national avec quelques ambitions européennes plutôt que comme un défenseur impartial du seul intérêt européen comme le doit le président de la Commission ?
Las, l’institution européenne la plus opaque (ndlr: le Conseil) fait honneur à sa légendaire transparence qui n’a rien à envier à la République « Démocratique » de Chine. Depuis quelques semaines, elle nous offre ainsi un formidable jeu de cache-cache. Fait intéressant : aucune règle officielle ne détaille l’élection la nomination de ce nouveau président choisi par les 27 ; que de l’implicite qu’on pourrait résumer ainsi : le ou la candidat(e) devrait avoir été à la tête de son Etat et surtout ne pas afficher son ambition en public…
Résultat : on croirait regarder l’Euromillions ! Les numéros noms circulent, chaque spectateur croit avoir trouvé le bon… jusqu’à ce qu’un autre le surclasse. Et nul ne saurait prédire le numéro complémentaire (le futur chef des Affaires étrangères). Vive la démocratie européenne !
On dénombre ainsi des candidats fantômes comme Blair ou Balkenende, soit-disant déclarés, officieusement avec les dents qui rayent le parquet, mais finalement invisibles, des candidats à demi-mot comme Juncker susurrant Je t’aime moi non plus, et puis quelques noms sortis du chapeau… le dernier en date étant Van Rompuy, actuel premier ministre belge. Toute cette mascarade me rappelle la première élection de Barroso il y a 5 ans, sorti du néant à défaut de mieux.
C’était sans compter sur une vague féministe qui s’est emparée de l’eurosphère depuis quelques jours nous rappelant que l’UE prône (officiellement en tout cas) la parité, avec pour point d’orgue la création d’un site, par quelques amis blogueurs, Gender Balanced Commission qui propose au moins une candidate par Etat-membre. On pourra toujours mettre en doute la présence de certaines, mais force est de constater qu’un choix existe et que qualité il y a.
Petit calcul rapide : 1 homme à la tête du parlement + 1 homme à la Commission (+1 homme à la BCE + + +…) = ? au Conseil + ? aux affaires étrangères ? Vous n’avez pas rêvé, cette UE paritaire, modèle pour le reste du monde n’a que des noms d’hommes à offrir. L’omerta va-t-elle enfin tomber ? Vaira Vīķe-Freiberga, ancienne présidente de la Lettonie, a peut-être bien senti le vent tourner et vient de lancer un pavé dans la marre en se déclarant « prête » pour le job. A la bonne heure ! Au moins une qui a le courage de ses ambitions et le bon CV pour le job ! A titre personnel, je regrette la désaffection de la candidature Juncker, mais le choix de l’ex-présidente me semble être une bonne alternative.
Vu de l’intérieur de la bulle européenne, tout ceci est à la fois drôle et ridicule. Vu par le citoyen européen « moyen », que reste-t-il de ce non-débat ? Est-il conscient de ces lourds changements techniques à venir ?
*1 A l’instar de Jean Quatremer, je ne cautionnerai pas l’intitulé officiel de « HR blablabla » qui est juste lourd, grotesque et inintelligible. Appelons un chat un chat ! Si le TCE était passé en 2004, on parlerait bien de ministre des affaires étrangères de l’UE, faisons la peau à ces expressions imposées par les eurosceptiques !
D’un point de vue purement communicationnel, cette histoire de choix du président (du conseil) de l’UE serait une excellent opportunité de susciter un quelconque intérêt pour le citoyen européen.
En effet, pourquoi ne pas tout bonnement leur demander leur avis ? Je suis certain qu’une « élection présidentielle de l’UE » exploserait les chiffres de participations des élections parlementaires européennes.
Désolé, ce commentaire est probablement inspiré du peu de naïveté qu’il me reste…
Cela pourrait effectivement susciter un véritable intérêt général, mais dans ce cas, il faut simplifier l’intitulé comme l’ont fait certains médias en parlant d’un président de l’Europe… Se pose ensuite la question de savoir si ce Conseil saura un jour être démocratique, transparent et pleinement européen. J’en doute fort malheureusement.
Tu oublies Ilves !
Au dela de ce triste spectacle, le probleme me semble etre : ce « président » la ne sera-t-il pas plutôt un super secrétaire ?
Ne va-t-il pas enfoncer encore un peu plus le président de la commission et la méthode communautaire elle même ?
A défaut, ne va-t-il pas embrouiller encore un peu plus les esprit ?
Les plus eurogeeks d’entre vous auront compris la subtilité du titre.
Oui, sauf que c’est le Président du Conseil européen qui doit être désigné. Celui du Conseil de l’UE continuera d’être désigné par la procédure actuelle de la « présidence tournante ». Il est vrai qu’en établissant deux institutions portant le nom de Conseil, les architectes du « machin » n’ont pas rendu service à la clarté du débat…
@Pierre-Antoine : parler de président de l’Europe au sujet du chairman du Conseil c’est surtout cultiver l’euroscepticisme : ce personnage n’est pas élu et n’ pas de pouvoirs là où les citoyens attendent une Europe démocratique et capable d’agir efficacement. On en est à l’opposé.