Presque un an, jour pour jour, que l’Europe est en panne. Le plan B promis se fait toujours attendre. Les « nonniens », anti-européens pour la plupart, ne parlent déjà plus que de la France et de 2007. Crions tous en coeur:
« Chers Arlette, Olivier, José, Marie-George, Arnaud, Laurent, Philippe, Jean-Marie et les autres, où est votre plan B? Où est votre argumentaire pro-européen (ou européen a minima) pour 2007 ? »
Exit le sujet européen qui devrait justement être l’un des thèmes de campagne présidentielle. Le pire n’est pas tant pour ces leaders politiques qui n’ont guère à craindre le grand méchant ogre libéral à titre personnel que pour leurs électeurs qui ont été bernés. Ces électeurs, « forces vives », au moment de la campagne à qui on a fait croire que la politique pouvait encore influencer les directions d’entreprises, à qui on a fait croire que la France, seule contre tous, pouvait dire « merde » au reste du monde, comme Villepin l' »onusien » l’a dit aux Etats-Unis dans sa plaidoirie contre la guerre en Irak.
Ce week-end, les ministres des Affaires étrangères de l’UE se rencontreront dans un monastère autrichien pour évaluer la situation à mi-chemin de la période de réflexion qui risque de se finir en un énième silence monacal.
Que reste-t-il de notre vieille Europe?
Une sorte de honte générale, un repli nationaliste. Il est troublant de rencontrer un Américain fier d’affirmer ses origines et de parler de son pays avec fierté, ou plus original, fier de l’Europe au point d’écrire un livre intitulé « le rêve européen« . Contraste déprimant quand on voit aussi peu d’Européens fiers de leurs origines et de leur(s) « pays », selon qu’on considère l’Europe comme un tout ou une association de pays très proches.
Comment y remédier? La Commission est toujours dans sa phase de réflexion stérile et son plan D où, ne seraient-ce que les synthèses des forums organisés sur son site (cf. article Exprimons-nous), n’ont guère été décortiquées lors du dernier sommet européen. A l’évidence, rien ne changera avant 2007 dans le meilleur des cas. Et aucune discussion ne tranchera les deux courants actuels qui se résument à:
- garder les seuls éléments intéressants du TCE
- zapper le sujet et/ou repartir à zéro
A défaut de décision et de consensus, le Président Barroso s’en tient donc à une Europe molle des projets. A défaut de mettre un moteur neuf dans l’Europe, on remet des couches de peinture ça et là sur la carosserie égratignée après 50 ans de construction. Pragmatique, certes.
Car les nouveaux projets, s’ils sont sympathiques, à l’instar du permis de conduire européen, n’ont pas la portée symbolique du marché unique, de l’euro ou des deux réunifications, allemande et européenne. Le TCE aurait pu être ce projet, mais son avenir est suspendu.
15 Etats l’ont ratifié. L’Allemagne et l’Espagne souhaitent l’appliquer tel quel, ce qui est techniquement toujours possible, mais qui se ferait alors au mépris des non franco-hollandais. Son géniteur, VGE y croit aussi.
Quelques avis émergent en France des deux camps. Nicolas Sarkozy aimerait faire appliquer certains aspects du TCE par voie parlementaire et créer un directoire avec les 6 plus grands pays européens pour relancer la construction. Pourquoi ne pas en effet garder le meilleur de ce traité pour faire un nouveau mini-traité? Comprenant par exemple la charte des droits fondamentaux ou encore le vote à la majorité qualifiée en matière de justice et d’affaires intérieures ou enfin l’attribution d’un poste de Ministre des affaires étrangères de l’UE – Vice-président de la Commission en lieu et place du Haut représentant actuel. Solution intéressante mais qui obligerait à de nouvelles négociations pour savoir quoi garder et qui noierait probablement toute idée de Constitution pour un bon moment. Quant à l’idée de directoire, quel formidable mépris que de vouloir diriger l’UE en ignorant les petits pays. En tenant ce raisonnement, cela voudrait dire que le Royaume-Uni pourrait apporter plus d’Europe que le Luxembourg ou la Belgique. Peu crédible.
Laurent Fabius, quant à lui, imagine déjà une harmonisation fiscale ainsi qu’un nouvel impôt européen. Un impôt européen, en plus de dégager un meilleur budget, permettrait peut-être aux citoyens de penser « Europe » et de faire le lien entre cet impôt et les résultats concrets au quotidien, notamment les travaux publics financés par l’UE. Quant à harmoniser la fiscalité, il faudra d’abord réformer les modes de vote du Conseil européen. Quand on voit les pires difficultés de la France à faire baisser la TVA pour ses restaurateurs, on imagine mal une réforme aussi importante sans une remise à plat du système de décision en général à laquelle le TCE apportait quelques réponses.
Dans tous les cas, les discussions sur l’avenir de l’Europe, son identité, ses objectifs s’annoncent âpres. Quand on sait que le TCE résulte de longues négociations démocratiques entre Européens, élus, entrepreneurs, syndicalistes, etc… Malgré ce que certains ont pu dire. Comment imaginer, dès lors, un découpage ou même une rediscussion rapide?
Heureusement, il existe quelques irréductibles pro-européens passionnés et raisonnés. Chaque année depuis 1950, un prix récompense ces Européens qui militent pour l’unification de l’Europe: le prix International de Charlemagne (cf. site). Parmi les lauréats les plus illustres: Schuman, Delors, Mitterrand… Et maintenant Jean-Claude Juncker (lire biographie), l’un des derniers dirigeants européens à encore croire à l’idéal européen. Actuel Premier Ministre du Luxembourg, actuel président de l’Eurogroupe, il s’est illustré l’an dernier en dénonçant la présidence britannique de l’UE ou en appelant cette semaine à « redevenir fiers de l’Europe ».
Car l’Europe, comme toute entreprise, est avant tout une affaire d’hommes et de femmes. Plus que de lois-cadre et de traités, c’est d’hommes comme Monsieur Juncker ou, en son temps, Jacques Delors, dont l’Europe a besoin pour être repensée. Le sentiment vis à vis de l’UE est à l’image de sa Commission: choisie par dépit, utile par défaut. Plus que de communication placebo, c’est d’hommes qui posent les bonnes questions et y répondent dont nous avons besoin. Et les thèmes ne manquent pas: frontières et identité européenne, modèle économique et social et surtout l’Education… Thèmes qui, espérons le, resurgiront dans les programmes des futurs candidats en 2007.
Jacques Delors avait toujours aussi dit qu’il y a un plan B.
Quand on soumet une telle décision du TCE à l’approbation des peuples selon le mode du vote par ses représentants ou directement par référendum, il faut avoir prévu qu’il n’y ait pas de majorité à 100%. Même les dictateurs n’y arrivent jamais!
Il est irresponsable de faire semblant de proposer un texte à la réflexion des élus et des peuples en attendant d’eux l’unanimité et en ne prévoyant pas une procédure de correction et un agenda.
Des Plan B existent, et s’ils n’existent pas dans l’esprit de certains observateurs en poste dans les instances décisives des Commissions et des ministères, il faut consulter les français et les hollandais – si les conclusions n’ont pas encore été tirées depuis le 29 mai – pour comprendre le message envoyé par les urnes.
Malheureusement l’Europe confisquée par ces édiles des bureaux a cru faire passer en force un texte et croit pouvoir faire traîner le tout jusqu’en 2008, voire plus longtemps, en pointant du doigt deux pays et sans doute en les accusant d’avoir appliqué leur droit démocratique à l’expression par les urnes. Cette Europe de fonctionnaires plus ou moins élus ne veut assumer son échec.
L’unanimité et les manipulations des médias lors de la campagne électorale avaient résonné comme dans une dictature, personne n’en était dupe et ceci avait aussi déclenché une aversion. Le marketing politique était arrivé à un paroxysme et les politiciens relayent aujourd’hui toujours leur autisme comme s’il n’y avait jamais eu de 29 mai. Par leur attitude ils confisquent les électeurs de leur volonté et de leur message. Cette pratique est certainement copiée sur la pratique française depuis un 21 avril de la confiscation de la démocratie. L’Europe qui juste avant le 29 mai s’était prononcé favorablement sur l’adhésion d’un pays situé en dehors de ses limites géographiques et naturelles (la Turquie) n’avait pas donné dans l’intelligence, si elle voulait un oui.
Ce qui est triste, ce n’est ni la date anniversaire ni le non, c’est l’incapacité des systèmes politiques, dédaigneux et arrogants, à réagir et à prendre en compte les propositions politiques claires et concrètes qui existent. Tous ces gens vont tellement détourner la démocratie de sa fonction de proposition et de décision, qu’elles lissent le tapis des chemises brunes. Nous allons d’une tristesse à l’autre.
Dans d’autres de vos articles, vous évoquez le fait qu’il faut aller chercher la compréhension profonde des déterminations des électeurs. Demandez aux dirigeants d’en faire de même.
Le non, ce n’est pas trois lettres, mais une lettre ouverte adressée aux dirigeants. Je suis un européen convaincu depuis 40 ans.
Thomas,
Tu as raison de dire qu’exiger 100% de réussite n’est guère réaliste, surtout quand on connaît l’amour de l’Europe chez les Britanniques ou les Suédois. Tout le problème vient d’une Europe rigide restée sur les modes de vote de 1957, adaptés pour 6 membres, mais surannés à 25. Le vote à la majorité qualifiée devrait être la norme dans tous les champs de discussion.
Le marketing politique que tu dénonces était présent des deux cotés. Le camp du oui a jouit de l’aide des médias. Le camp du non a usé des arguments les plus troubles et les plus bas. Remettre en question la loi sur l’IVG ou la laïcité relevaient du mensonge. Agiter la peur de voir des milliers de plombiers polonais également.
Enfin, si je me souviens bien, tous ou presque tous les « nonistes » ont annoncé un plan B, un grand mouvement de « forces vives ». Ils ont menti. Un an après, ils n’ont rien présenté et leur belle dynamique, leur bel amour de l’Europe est déjà gangrené par des querelles d’intérêt personnel pour la présidentielle. Parce qu’ils se fichent de l’Europe! Seule leur campagne présidentielle compte! J’ai mal pour ceux qui ont voté non. On leur a promis monts et merveilles. Il n’en est rien.
Oh pardon! Fabius propose de refaire des compromis (cf. http://www.taurillon.org/article.php3?id_article=793) et Marie Georges se demande si elle ira ou pas représenter la voie anti-libérale dans un monde où même la Chine a renoncé à l’économie contrainte et faussée. Quel programme!
Puisque tu parles de concret, il faudrait commencer par expliquer que l’Europe est notre quotidien et qu’on cesse d’envoyer à Bruxelles les recalés des listes législatives françaises qui rongent leur frein en attendant de rentrer à Paris. Des élus européens « pro-TCE », aimant l’Europe, honnêtes et compétents existent. Je pourrais t’en citer quelques-uns comme J-L Bourlanges ou P. Moscovici… Il faudrait peut-être commencer à faire un tri dans nos élus.