Me revoici donc enfin installé, reconnecté, prêt à bloguer de nouveau, en un mot : « régularisé » !
Au delà de l’ivresse du saut vers l’inconnu – tout relatif lorsqu’on part vers un pays européen a fortiori proche – se pose souvent le problème de la réalité administrative que je résumerai à un concept : l’Europe des citoyens. Mais quelle est cette Europe concrètement ? A quoi ressemble-t-elle ? A un ensemble de droits et de devoirs communs à 27 pays ? A un passeport européen qui partage un même entête qu’on vienne de Belgique, de France ou d’ailleurs ? Peut-être davantage à une utopie au regard des faits bien têtus…
Comment par exemple imaginer un emménagement dans un autre pays européen autrement que par une simple inscription express dans la mairie de sa nouvelle commune ? En la rendant absurde et complexe ! Je préfère mentionner le fait de devoir passer par un guichet étrangers « CEE » (les vrais étrangers (extra-européens) ayant eux droit à un autre guichet spécial) comme un privilège. Passé ce petit plaisir, je présente sans broncher mon contrat de bail comme preuve de ma résidence principale. En revanche, je me demande encore l’intérêt de devoir présenter mon contrat de travail, mais aussi un papier rempli et signé par l’employeur avec quasiment les mêmes informations (numéro de sécurité sociale en plus)… Et le clou du spectacle : le certificat de célibat ! Car un célibataire doit savoir prouver son état social ! Quel rapport, quelle utilité ? Qu’est-ce-que ça peut bien leur f***** ? Entre incompréhension et négligence, j’aurai fait 3 allers-retours pour une démarche a priori banale ! « Liberté de circulation » en Europe, oui, mais avec modération !
Mais l’Europe des citoyens, c’est aussi celle de la santé ! Beaucoup reste à faire avant d’éliminer tous les formulaires « E » qui régissent les droits entre pays européens en la matière. Étant adepte de la méthode complexe, je me suis donc présenté comme citoyen français anciennement résident luxembourgeois. Éloquente réaction de l’agent de santé belge : « il faut voir avec la France ! » Mais cher ami, à part mon passeport et une carte vitale abandonnée dans un recoin, je n’ai plus rien à faire en France depuis un bail ! Fait intéressant en Belgique : même en étant citoyen européen, même muni de son ancienne carte de soin acquise dans un autre Etat membre, impossible d’assurer sa santé sans livrer un formulaire E104 ! Il existe bien une alternative : s’inscrire aujourd’hui et patienter 6 mois durant lesquels on ne peut prétendre à aucun remboursement. Au moins, ça laisse le temps de mourir tranquillement ! Dans mon cas, ce délai n’aura pas dépassé les deux semaines, déjà deux de trop, le temps d’obtenir le précieux « E »… J’aurai finalement préféré l’option vie.
Comme quoi, même après avoir testé différents systèmes européens, je m’émerveille encore et toujours devant la bêtise des bureaucraties nationales et le laxisme de « l’Europe ». L’Europe de la mobilité peine à s’imposer… Ce n’est même pas moi qui le dit, mais un journaliste de radio entendu dès mon premier jour à Bruxelles ! On se demande bien pourquoi. Après tout, pourquoi simplifier la vie de quelques illuminés dans mon genre qui ont le tort de vouloir vivre pleinement leur citoyenneté européenne ? Certes, il y a bien quelques autres illuminés, hauts fonctionnaires européens « expatriés », mais j’ai comme l’impression qu’ils jouissent d’un système facilité… Pourquoi dès lors réformer ce système ?
Rassure toi cher lecteur, il m’en faudrait beaucoup plus pour renoncer à cet idéal de vie européen. A force de taper au bon endroit, toutes ces anomalies finiront bien par disparaître ! Le bon sens finit toujours par l’emporter.
Mais le plus intéressant dans tout cela, c’est l’interconnexion des différentes administrations (état civil, santé, etc) européennes mais aussi nationales. Intéressant de voir par exemple que le départ officiel d’un pays ne déclenche pas automatiquement la radiation du système de santé national… Pratique dans le cas d’une transition de régime, mais étonnant constat que de voir une non-communication inter-administrations, a fortiori dans un pays aussi petit que le Luxembourg. Si jamais vous rêviez d’être résident à Paris, Rome et Helsinki tout en cumulant une sécurité sociale dans ces mêmes, voire d’autres endroits d’Europe, faites vous plaisir, c’est cadeau !
A force de cumuler les langues, les systèmes de pensée, les vies européennes, l’homo europeus devient un individu schizophrène où la personnalité native n’est plus qu’une facette parmi d’autres. Mais comment expliquer cet état auprès des administrations autrement que par une sorte de dégénérescence ? Malgré le fameux droit européen, être citoyen européen revient surtout à lutter au quotidien contre un système de case unique imposé par un héritage bureaucratique immuable. Voilà donc la réalité européenne : une majorité d’administrations ayant pour dénominateur commun la lourdeur et l’obsolescence. Vivre sa citoyenneté européenne est une chance et un challenge au quotidien, mais combien faudra-t-il encore d’absurdes récits anecdotiques comme le mien pour que les choses changent enfin ?
Et pour compliquer encore un peu plus l’histoire, on peut envisager (ou le vivre lol)… mariage avec un/une ressortisant(e) d’un autre Etat membre, qu’il/elle travaille de l’autre côté de la frontière belge et d’avoir des enfants 🙂
Ça ressemble à je sais plus lequel des 12 travaux d’Astérix : le genre de journée qui te rend fou, et qui te donne envie de poser une bombe dans une administration.
J’espère au moins que les fonctionnaires belges sont + avenants que l’employé du Bierger Center à qui j’avais eu affaire.
Le + dur est passé !
Drôle de te lire tout en écoutant « Lêve-toi, Bats-toi » des Nèg’Marrons… ;-))
content de te relire 🙂
Ah, on en aurait tous des wagons dans le genre à raconter. Officiellement, en france, comme resident européen (non français donc), tu as 3 mois pour trouver du boulot. Apres, c’est le trou noir………………juridique.
Est ce que tu es dans l’illegalité ? On peut te reconduire à la frontiere ?
Mais ou, il n’y en a plus ? il te suffirait de re-rentrer immédiatement car il y a libre circulation des personnes…
Bref, on clame tres haut la libre circulation, et les etats s’assurent discrètement d’en reduire et compliquer la portée, surtout si vous ne venez pas les poches pleines d’euros… bien que finalement, ils n’en aient pas les moyens juridiques ( comme dans cet exemple).
Alors pourquoi ?
Pour rassurer la mamie de base ayant peur des plombiers lituaniens ?
Par pure inertie bureaucratique ?
Par controlite nationalo-compulsive ?)
….
@Afourms: ne le prends pas mal, mais tu cherches vraiment les ennuis! 😉
@Delph: j’avoue que l’idée de la bombe m’est venue furtivement à l’esprit!
@Fabien: je ne connais pas, mais ravi que ça te fasse sourire.
@Maitresinh: je ne connaissais pas cette règle en France. Ca va malheureusement un peu dans le même sens que la Belgique (et ailleurs). Liberté de circulation, un peu, mais faut pas pousser non plus! En tout cas, j’aime beaucoup ton concept de « controlite nationalo-compulsive »! 😀
Très agréable de te lire, on croirait entendre du slam, rien qu’en le lisant dans sa tête.
C’est avant tout ça d’ailleurs le slam : contestation, pointage de l’absurdité.
Bonjour !
C’est très intéressant d’avoir un éclairage sur la vie quotidienne des gens.
Après ce récit, il ne faut pas s’étonner que les citoyens lambda ne comprennent pas dans quelle mesure il est facile d’aller vivre dans un autre pays européen, alors que c’est ce que l’Europe est censée leur permettre.
C’est dommage que ce soit au plus près des citoyens que l’Europe est la plus défaillante.
Oh bah c’est encourageant tout ça moi qui souhaite quitter LUX pour venir vivre à BXL. Enfin, ça ne doit pas nous empêcher de continuer de circuler dans notre belle Europe 🙂
@ Cédric Puisney et MaitreSinh : La règle des 3 mois s’applique dans le cas d’un chercheur d’emploi ressortissant d’un État membre faisant ses recherches dans un autre État membre. Il est autorisé à résider dans ce dernier pendant 3 mois pour faire ses recherches sur place et il perçoit les indemnités chômage de son État d’origine. Il doit s’inscrire au registre de l’agence pour l’emploi de l’État d’accueil.
Saine indignation, mais on cherche en vain l’ombre d’une proposition pour remédier à ces problèmes.
« A force de cumuler les langues, »
« Vivre sa citoyenneté européenne est une chance et un challenge au quotidien, mais combien faudra-t-il encore d’absurdes récits anecdotiques comme le mien pour que les choses changent enfin ? »
Permettez qu’avec d’autres je fasse une proposition constructive que nos politiciens ne veulent pas envisager, ni même tester : favoriser l’espéranto, équitable et simple, comme langue véhiculaire commune des Européens.
Ce sera lui ou l’anglais, injuste, inéquitable, rapportant une fortune (méconnue et sous-estimée) à la GB principalement, de diverses façons – science, économie, influence politique, business des langues, emplois privilégiés.
Si vous avez une meilleure idée, j’attends de la lire avec curiosité, car je ne vois rien venir sinon l’UE anglophone, qui se répandra dans toutes les administrations (passeports, documents, vocabulaire de métier, etc.). Et si jamais vous pensez que toutes les administrations européennes doivent pouvoir travailler et répondre en anglais, pourquoi ne pas l’écrire explicitement ? A vous lire.
@faust: merci pour les encouragements! 🙂
@Cristl: et oui, comme tu dis, entre le discours officiel européen et la réalité, il y a un monde d’hypocrisie et de connerie!
@Sébastien: même en ayant un max d’ennuis administratifs, je ne saurais que trop te recommander d’échanger Luxembourg contre Bruxelles. C’est un peu le jour et la nuit!
Par contre, pour les histoires d’allocations chômage versées par ton pays d’origine, je ne crois pas que ça soit aussi simple. Encore faut-il avoir travaillé un minimum dans le dit pays…
@Krokodilo: Je parle moins de problèmes de langue que d’administrations archaïques! Le seul pays européen où j’ai connu des problèmes de langue était le Luxembourg! J’ai eu droit à plusieurs fonctionnaires autistes qui me parlaient uniquement en luxembourgeois, autant dire dans ces conditions que parler français et/ou allemand ne sert à rien! Concernant l’espéranto, c’est un autre problème… Peut-être l’objet de mon prochain billet 😉
@ Cedric : Non bien sur je compte bien aller à BXL pb administratifs ou non !
Pour la règle des 3 mois, quand je parle d’Etat d’origine je veux dire l’Etat où tu as travaillé et où tu perçois du fait de ta mise au chômage une indemnité chômage. A savoir, qu’il faut avoir été inscrit au minimum un mois à l’agence pour l’emploi de cet Etat pour pouvoir bénéficier de la possibilité de transférer ton dossier dans un autre Etat membre pour ladite période de trois mois.
« : Je parle moins de problèmes de langue que d’administrations archaïques! Le seul pays européen où j’ai connu des problèmes de langue était le Luxembourg! »
Du fait de la mention des nombrueses langues de l’Europe, j’avais cru comprendre que c’était un des problèmes qui pouvaient se poser lorsqu’un européen aura affaire à une administration autre que celle de son pays. Peut-être est-ce atténué pour les natifs d’une des trois langues de travail comme vous, mais pour les autres, les langues ne sont-elles pas un des obstacles, parmi beaucoup d’autres, à la coordination administrative, aussi bien oralement que pour les formulaires ? D’ailleurs, votre nouveau billet, avec l’anglais sur la carte d’identité belge, langue de travail mais pas langue nationale belge, pose bien le débat !
Libre circulation libre résidence…
Je crois que cette distinction n’est aucunement faite dans les articles de ce blog ni dans la pensée des participants
…c’est que la distinction est absurde. A moins d’inventer le mouvement perpetuel.
Plus sérieusement, je donne un exemple très simple plus haut. Pour refuser l’installation d’un citoyen de l’ue, il faut le « reconduire » a la frontière, ce qui ne se fait pas, et pour cause, car il pourrait de plein droit la franchir à nouveau dans la seconde qui suit.
Excuse-moi mais dans la liberté de circulation des personnes reconnue par l’Union européenne est intégrée ce que l’on nomme la liberté d’établissement qui est essentiellement invoquée par les entreprises mais qui peut être tout aussi invoquée par les particuliers !
@Sébastien : Merci pour la précision, je n’aurais pas dit mieux 😉
@ Jacques : Ne vous en déplaise, je persiste et signe dans la droite ligne de mes articles et de la « pensée des participants » de ce blog : à partir du moment où l’on partage un même passeport européen et qu’on paye sa contribution sociale, on a les mêmes droits (et obligations) qu’un citoyen du dit pays, que ce soit en Belgique ou dans tout autre Etat européen!